Le précurseur du Survival Horror fait le coup de l’éternel retour en dégainant un casting deux étoiles. Est-ce vraiment suffisant pour peser face aux nouveaux ténors du genre ? Passage sur le grill en express pour un jeu sorti le mois dernier.
Après avoir fait hurler de frayeur les pécéistes dans les chaumières et engendré une trilogie devenue culte, Alone in the Dark, a depuis 2000 connu l’enfer des reboots et des suites sans lendemain. Si ce monument de la french touch paru au début des années 90’s sur PC a inspiré Resident Evil, la franchise tombée en désuétude a pourtant été cédée en 2018 par Atari/ ex Infogrames à THQ Nordic. L’éditeur a confié le bébé à Pieces Interactive, un studio Suédois connu pour avoir oeuvré sur le hack’n’slash Titan Quest et Magicka. Pour le rapport au frisson, il faut le chercher du côté du scénario de Mickael Hedberg. Le créateur des jeux d’horreur Soma et Amnesia The Dark Descent a enfilé pour l’occasion la double casquette de scénariste et réalisateur afin de livrer un énième reboot aux allures de remake. Ainsi loin de suivre la trame du jeu original, cette cuvée 2024 d’Alone in the Dark s’en inspire pourtant fortement. Prêts à frissoner… de plaisir ?
Le pitch du jeu propose de retourner du début du siècle dernier, à l’époque des années folles – les années 20 – afin de découvrir les premières péripéties de Edward Carnby et Emily Hartwood. Sans nouvelle de son oncle, notre héroïne (et second personnage jouable) embarque le détective dans le manoir de Derceto. Sous ses faux airs de maison de repos pour personnalités excentriques, c’est en vérité l’antre de la folie…. pour ne pas dire la résidence secondaire du mal ! D’ailleurs cette épopée a des allures de descente aux enfers. Jugez plutôt ! Notre héros (ou héroïne) se retrouve fréquemment catapulté hors des murs de la luxueuse demeure, pour crapahuter dans les catacombes glauques, patauger dans les marais du bayou, partir sur les traces d’une expédition au cercle polaire ou se balader dans un tombeau Egyptien. Dépaysement garanti lors de cette odyssée d’une huitaine d’heures où l’horreur et le macabre ne tardent jamais à prendre le dessus sur le paranormal. S’il faut garder son sang-froid, il est préférable de conserver un flingue, un fusil de chasse ou une sulfateuse à portée de main. Notamment lorsque l’on se retrouve cerné par des créatures cauchemardesques, qui nécessitent bien plus que quelques balles dans les guiboles ou dans le buffet pour rejoindre leurs créateurs. En Survival Horror digne de nom, Alone in the Dark invite à détaler courageusement face aux hordes trébuchantes constituées de zombies, insectes géants, cadavres en décomposition et autres bestioles volantes qui tentent de venir au contact. Fuyez pauvres fous !
Afin de préserver ses précieuses munitions, le joueur peut employer des armes de fortune (masse, hache…) ainsi que des items placés à proximité des endroits propices aux coups fourrés destinés à détourner l’attention des bestioles ou de les incendier. Pratique ! Car on a vite fait de crever encore et encore lorsque l’on tente de faire face à ces créatures grotesques. Lors des confrontations scriptées, Carnby agace par son manque de réactivité digne d’un vieux 33 tonnes et le temps nécessaire à la recharge de son fusil de chasse… surtout en cas de tir manqué. Un peu rageant pour un jeu pourtant doté d’une perspective à la Resident Evil 4… la plupart du temps. Ainsi, les fans de la première heure vont sans doute apprécier l’hommage rendu au premier volet par un subtil changement de perspective. Sympathique ! Jeu d’action, Alone in the Dark n’oublie pas pour autant ses racines en lorgnant aussi du côté de l’aventure. Cela oblige à passer au peigne fin les environnements pour dénicher des items à utiliser/combiner pour accéder à davantage de pièces à Derceto mais aussi à résoudre des kyrielles de puzzles. Attendez-vous faire faire presque autant frétiller vos neurones sur ses énigmes qu’à sentir vos poils se dresser lors des mauvaises rencontres. Bourrin mais malin après tout !
Alone in the Dark a pu être testé sur PC grâce à une version achetée dans le commerce. Loin de nécessiter une machine de dernière génération, le titre du studio suédois affiche des besoins plutôt raisonnables Ainsi il faut une RTX 2060 pour pousser la plupart des détails au max (en évitant de monter au-delà du 1080P certes) et une modeste GTX 1050 suffit en guise de ticket d’entrée à faire tourner le jeu. Pas étonnant, le titre carbure au vieillissant Unreal Engine 4. Cependant il a le mérite de proposer des décors aux intérieurs détaillés sans rivaliser pour autant avec ceux – visuellement plus généreux – de Resident Evil 8. Malgré l’emploi d’un moteur graphique assez “ancien” notez que le jeu n’est sorti que sur les consoles de dernière génération, à savoir la PlayStation5 et les Xbox Series. Les développeurs de chez Pieces Interactive se sont offert les services de deux stars (David Harbour et Jodie Comer) pour donner de la voix en VO et un visage aux nouveaux Carnby et Hartwood. Dans l’ensemble les modélisations des protagonistes et antagonistes sont réussies quoiqu’assez peu expressives, on apprécie cependant de voir la tenue d’Edward se tâcher de sang et perdre de sa fringance au fil de l’aventure. Quant aux monstres, ils sont le plus souvent affublés d’apparences grotesques : très Lovecraftiens ! La lumière blafarde de notre lampe de poche donne davantage “d’allure” à ces ennemis que certaines de leurs entrées en scène scriptées qui paraissent horriblement maladroites. En français dans les textes et menus, notez que Alone in the Dark offre aussi des doublages impeccables dans notre belle langue et une bande-son parfois jazzy qui colle à l’ambiance sulfureuse de cette intrigue en Louisiane… sans pour autant être mémorable.