Si une petite virée au temps des ronins et des bretteurs vous branche embarquez dans ce nouvel épisode de « Yakuza ». Enfin nouveau ? Pas vraiment !
Pas mal d’eau a coulé sous les ponts depuis les premières aventures crapuleuses de Kazuma Kiryu dans Yakuza sur PlayStation2. En 18 ans, le rejeton spirituel de Shenmue, longtemps chapeauté par le charismatique Toshihiro Nagoshi, a donné vie à pas mal de suites et spin-off. Voyez plutôt. Tandis que la série principale se focalisait sur les exploits de Kiryu, la franchise Yakuza (ou Ryu Ga Gotoku au Japon) s’est étoffée de deux aventures au temps des samouraïs, d’un sympathique survival horror, d’épisodes inédits sur PSP, de remakes, de portages HD sur WiiU et PS3, d’un Spin off dans l’univers de Ken le Survivant et même d’un « reboot » qui connaîtra une suite prochainement. Dans notre grill party d’aujourd’hui on va déguster un beau morceau de Like a Dragon Ishin ! Un titre qui a mariné dans son jus pendant pas mal d’années. En effet ce jeu est sorti simultanément sur PS3 et PS4 lors du lancement nippon de cette dernière en 2014. Une éternité ! À l’instar de Kenzan (le précédent spin-off avec des samouraïs) le titre ne s’était pas aventuré hors des frontières de l’archipel… enfin officiellement. SEGA nous propose donc de découvrir enfin ce jeu qui pour l’occasion a fait peau neuve ou presque.
Like a Dragon Ishin invite à suivre une énième quête vengeresse. Il s’agit cette fois de découvrir les exploits historiques (quoique romancés) de Ryoma Sakamoto, un samouraï fraîchement formé à Edo (Tokyo) et qui assiste impuissant au meurtre de son « père ». Un haut dignitaire de Tosa, qui rêvait de bousculer les traditions en renversant le pouvoir local. Accusé à tort de la mort de son « paternel », Ryoma s’enfuit de sa bourgade natale pour traquer un assassin au mystérieux style de combat au cœur de Kyo (Kyoto). Malgré son univers, le jeu ne boxe pas dans la même catégorie qu’un Ghost of Tsushima. Oublié l’ivresse des grands espaces, à la place, le titre invite à arpenter un monde semi-ouvert. Un terrain de jeu « à l’ancienne », constitué d’un assemblage de quartiers mis bout à bout afin d’avancer dans le scénario principal et d’accomplir moult quêtes secondaires. Un détail qui a son importance car le jeu impose d’effectuer de nombreux allers retours. Si l’on avait une certaine fascination pour le quartier de Kamurocho (ou Osaka) by night notamment sans jamais trop se lasser de la redondance des déplacements, c’était parce que l’on avait l’impression de crapahuter à travers une ville vivante. La version vieillotte de Kyoto propose certes de nombreux commerces, mini jeux ou autres lieux pour se restaurer ou s’encanailler, mais elle est hélas flanquée de dédales labyrinthiques et de longs corridors vides où l’on aurait tendance à s’ennuyer ferme… si d’infortunés bandits querelleurs ne venaient pas nous chercher fréquemment des noises.
Changement d’époque certes, mais dans les grandes lignes il s’agit toujours d’un jeu d’action/aventure à la troisième personne. Comme ses prédécesseurs, il offre de nombreuses confrontations façon Beat Them Up où l’on doit calmer les ardeurs de bandits, de ronins et autres crapules surexcitées. Notre héros peut utiliser différents styles de combat (à mains nues, au sabre, au combo sabre et pistolet ou juste au flingue) afin de mettre en déroute ses assaillants. Si dans les derniers volets de Yakuza on pouvait s’aider d’objets disséminés dans l’aire de combat pour infliger davantage de dégâts aux adversaires ici on ne peut compter que sur les armes, les poings rageurs de notre héros. Même s’il est possible d’utiliser des sortes de coups spéciaux (heal, pouvoir offensif…) globalement ce titre oblige à renouer avec des mécaniques surannées : un peu frustrant. Afin de varier les plaisirs pas question de claquer toutes ses espèces dans les bornes d’arcade. L’action se déroulant vers le milieu du XIXème siècle il va s’agir cette fois de pousser la chansonnette, de se livrer à des parties de pêche endiablées ou d’effectuer des descentes dans des donjons grouillants de malfrats bagarreurs et regorgeant de trésors.
Testé sur Xbox Series X grâce à une version commerciale fournie par l’éditeur, on ne pouvait que se réjouir de découvrir enfin Like a Dragon Ishin sous nos latitudes ! Pour l’occasion SEGA ne s’est pas moqué de nous. Ainsi le jeu a conservé ses voix en Japonais (issues des précédents épisodes de Yakuza) mais offre des textes, sous-titres et menus en Français ! Comme précisé en amont le jeu a fait peau neuve et a troqué son moteur graphique d’antan contre l’Unreal Engine 4. Cependant il a conservé de nombreuses limitations du moteur d’origine notamment au niveau du level design dont on avait évoqué l’aspect semi-ouvert des niveaux qui imposent de patienter devant un écran de chargement (assez rapide certes sur Series X) lorsque l’on s’aventure dans un autre quartier. Il faut aussi poireauter un court instant avant chaque combat de rue, là où un Yakuza 6 offrait de se castagner comme des chiffonniers sans transition. Après un Song of Life ou des Judgement qui carburaient au Dragon Engine, techniquement, c’est un retour en arrière à l’époque des Yakuza sur PS3 ou du remake Kiwami sur PS4. N’allez pas croire qu’il manque de fluidité. En 4K sur Series X, le jeu s’est montré parfaitement jouable et il permet même d’activer un filtre cinématique au rendu graphique saturé digne d’une pellicule de vieux films de samouraïs. Un rendu sombre aux couleurs saturées mais qui n’ose pas le monochrome comme le filtre Kurosawa de Ghost of Tsushima. On pourrait reprocher à ce Ishin d’être flanqué d’une réalisation ne débordant pas d’ambition quand on voit les artères pas très peuplées de Kyoto ou l’aspect générique de certains PNJ et ennemis que l’on croise dans les rues. Cependant le jeu parvient quand même à nous faire oublier ses limitations les plus rédhibitoires par ses splendides cinématiques, le design soigné de ses bâtiments d’époque, ses jolis effets graphiques (tout en retenue) où les modélisations impeccables des principaux protagonistes que l’on a déjà vus dans de précédents opus de Yakuza. D’ailleurs, il ne fait aucun doute que les fans se réjouiront de retrouver les persos (ou plutôt leurs faciès et voix) de Kazuma Kiryu, Goro Majima, Shun Akiyama et bien d’autres, qui incarnent ici des « samouraïs » dans cette « nouvelle » épopée solitaire remise subtilement à jour.