Tandis que l’on attend toujours de découvrir la suite des aventures de Cloud Strife et de sa bande, Square Enix propose une réécriture des origines de la saga pour patienter… ou pas.
Si vous venez juste de lire le précédent test consacré au Pixel Remaster de Final Fantasy, vous avez sans doute dû lever un sourcil à la lecture de ces premières lignes. C’est sans doute ce que j’aurais fait pour ma part. Pardonnez ce flagrant délit de flemmingite aiguë qui m’a poussé à recycler honteusement les quelques lignes introductives de ce passage sur le grill de la dernière « pépite » de Square Enix. Ô surprise l’éditeur/développeur n’invite pas à se retaper un remake/Remaster d’un jeu 16 bit depuis longtemps rentabilisé ! Stranger of Paradise présente les caractéristiques d’un Spin Off qui vient se positionner aux origines de la saga afin de jouer les « prologations ». Non ce n’est pas une faute de frappe.
Aux commandes de ce jeu sous-titré Final Fantasy Origin – quand même – on ne retrouve pas les équipes de Square Enix. En effet les effectifs sont déjà mobilisés à travailler d’arrache-pied sur la suite de FF VII Remake, sur le reporté Forspoken ou un nouvel opus de Star Océan. L’éditeur a ainsi laissé le soin à Koei Tecmo, et en particulier à la Team Ninja (connue pour ses jeux de bastons aux fortes p…ersonnalités et ses Ninja Gaiden) d’enfiler la casquette de développeur pour réaliser ce prologue à Final Fantasy. Ce qui est loin d’être une mince affaire. Le jeu débute dans le Royaume de Cornélia, entre tradition et modernité, un souverain barbu couvert d’hermine envoi ses preux Chevaliers de Lumière guerroyer contre le Chaos. On suit donc les tribulations de Jack, Ash et Jed dans une sorte de réécriture du tout premier volet qui s’avère loin d’être aussi « sympa » que le roadtrip d’EVG (enterrement de vie de garçon) du Prince Noctis et de ses potes. C’est du moins ce qu’il en ressort après avoir passé près d’une quinzaine d’heures sur ce titre !
D’emblée précisons qu’il faut perdre tout espoir de crapahuter librement dans un monde ouvert. À la place le jeu propose de s’aventurer dans près d’une vingtaine de levels labyrinthiques, à l’occasion de missions principales ou secondaires sans Map, ni boussole… et donc sans GPS. Il s’agit de terrasser un immense streumon en bout de level en avançant par tâtonnements et en bénissant les points de sauvegardes lorsque l’on en trouve. Gare à chaque fois que l’on consigne la progression les ennemis vaincus réapparaissent… frustrant dans un sens. Mais Cela s’avère rudement pratique pour faire monter en expérience notre perso, Jack. S’il peut manier différents genres d’instruments de tortures (épée à deux mains, hallebarde, katana, marteau…) notre bonhomme musculeux au passé trouble doit surtout employer deux classes de perso – par exemple mage, gladiateur – et switcher vers l’une ou l’autre selon la situation. Les classes étant capé au trentième level d’expérience, Il faut se spécialiser pour obtenir davantage de compétences. Ainsi comprenez qu’un mage de base (doté d’attaques élémentaires) peut se spécialiser en Magie Noire ou Blanche et utiliser indifféremment les différentes sortes de magies après avoir atteint le rang de Sage. La difficulté (calée sur le level d’expérience) augmente a mesure que l’on débloque de nouveaux niveaux et un peu à l’instar d’un Destiny c’est par rapport à son équipement que level d’un perso est déterminé. Difficile de s’attacher à un look ou à une rapière quand d’une simple pression d’un bouton on dispatch l’équipement le plus approprié (looté dans des coffres ou sur les cadavres des ennemis) à son équipe. Bizarrement, même entre deux missions, ce jeu ne permet pas de retourner vraiment en ville. Au mieux il offre de démanteler à la forge le surplus d’équipement qui s’entrepose de façon industrielle dans notre inventaire afin d’améliorer des pièces d’armures ou armes que l’on affectionne. Inutile aussi d’espérer faire le plein de potions et autres Queues de Phenix auprès des marchands qui d’ailleurs ne semblent pas en vendre, puisque le jeu n’offre pas de cumuler des espèces sonnantes et trébuchantes. Quant aux items guérisseurs, il se récupèrent parfois sur les dépouilles encore fumantes des ennemis. Voilà pour la théorie passons à la pratique.
Côté Gameplay, le jeu se présente sous la forme d’un Action RPG doté d’une vue à la troisième personne. À moins d’opter pour le mode de difficulté le plus bas, qui s’avère jouissivement bourrin, par défaut (en mode normal) l’expérience cherche à s’approcher de celle offerte par un Nioh… du même développeur. Ainsi Stranger of Paradise impose de ne pas s’engouffrer tête baissée dans ses dédales sombres grouillants de chausse-trappes et de bestioles féroces.Il s’agit d’occire un bestiaire assez classique, constitué de loups, de blobs et d’autres créatures plus surprenantes comme des griffons, des élémentaires et des ogres gigantesques. Chaque ennemi un brin costaud est épaulé de quelques alliés agiles. Les attaques coordonnées de ce petit monde a vite fait de plomber la barre d’endurance de notre héros lorsqu’il n’est carrément pas tué en un coup. Et ne comptez pas trop sur vos deux fidèles compagnons d’arme, contrôlés par l’IA, pour vous ramener à la vie. S’ils se battent vaillamment à vos côtés, ils se tournent légèrement les pouces quand vous trépassez : les bougres ! Comme nous avons déjà exprimé notre frustration de voir le bestiaire ressurgir à chaque sauvegarde, sachez que les boss profitent évidemment pour se refaire une santé… mais le joueur lui perd toutes les potions de guérison qui ont été utilisées lors de la précédente tentative. Notez aussi que le jeu met l’accent sur les affrontements rapproché et n’offre pas d’arme pour attaquer à distance (arc, arbalète ou autre…). Ceux qui aiment jouer habituellement la carte de la sécurité, en combattant à distance, vont l’avoir mauvaise ! S’il peut employer des sortilèges élémentaires pour infliger des dégâts, Jack peut aussi absorber certains “projectiles” adverses dégageant une aura mauve afin de les utiliser contre les ennemis. Un retour à l’expéditeur diablement efficace puisqu’il permet d’achever l’ennemi grâce à un mouvement de finish spectaculaire ! D’ailleurs en termes de panoplie d’actions notre héros peut fuir ou plutôt courir héroïquement face au danger, effectuer des roulades/esquives, parer les attaques, infliger des coups de base, charger des attaques et finir des enchaînements par un coup “magique” dévastateur qui vient puiser l’énergie dans la jauge de mana. Hélas moins spectaculaire et moins redoutable quand cette jauge de mana est épuisée. Comme précisé plus en amont de ce passage sur le grill, Stranger of Paradise permet d’utiliser deux classes de personnage et l’on peut switcher vers l’une ou l’autre par la simple pression d’un bouton… du moins en théorie En pratique, il n’est pas rare de se reprendre à une ou plusieurs reprises pour alterner de classe ou même s’envoyer une potion en urgence tandis que l’on est à deux doigts de succomber… en vain. La jouabilité manque assez souvent de réactivité et on ne peut qu’être agacé par le level design un brin vieillot. Comprenez par-là que le jeu oblige parfois à rebrousser chemin et à chercher un autre itinéraire lorsque l’on se retrouve face à un chemin bloqué par une épaisseur de cinq centimètres de gravats. Vraiment frustrant !
Achevons ce tour du proprio par la réalisation. Le jeu a été testé sur Xbox Series X grâce à une version review fournie par l’éditeur. Merci à Square Enix donc ! Graphiquement c’est assez variable, les environnements peuvent être parfois assez jolis ou offrir des décors génériques noyés dans l’obscurité en guise de cache misère. Dommage, le titre ne se privait pourtant pas d’en mettre plein les yeux dès les premiers instants notamment grâce à une cinématique hyper léchée, quelques jolis effets graphiques et un chara design charismatique digne de “Square”. La plupart du temps, Stranger of Paradise peine à masquer son héritage de la génération précédente, sortie sur PS4 oblige. Sur la version Series X le titre tourne en 4K HDR et propose deux types de rendus un premier pour ceux qui privilégient la finesse (relative) du graphisme et les textures volumineuses ou un second pour ceux qui affectionnent la fluidité de l’action au détriment de motifs plus plats. Gare en mode détaillé on se mange des ralentissements assez violents lors d’intenses confrontations face à d’immenses boss aux formes bestiales et cauchemardesques même sur Series X. Nobuo Uematsu, compositeur des thèmes les plus mythiques de Final Fantasy, ne semble pas avoir mis la main à la pâte. Il a laissé le soin à Naoshi Mizuta et à d’autres de réaliser l’OST de ce jeu dont les niveaux semblent être issus d’épisodes de Final Fantasy sans hélas en reprendre les thèmes, juste quelques sonorités. Un mot enfin sur les voix et textes. Le jeu propose évidemment des cinématiques en japonais ou en anglais. Dommage, l’éditeur avait pourtant offert une sympathique Version Française intégrale à FF XV et FF VII Remake. Pas de panique les sous-titres, textes et menus sont – heureusement – dans la belle langue de Molière.