Il y a des titres dont il suffit de susurrer le nom pour faire vibrer de plaisir les cordes sensibles des joueurs les plus nostalgiques. Si vous avez été biberonné à la 16bit, que vous êtes fans des Beat Them Up, cette cuvée 2020 de Streets of Rage pourrait bien ne pas vous laisser indifférent.
Dans la vie d’un joueur, il y a des jeux que l’on attend, d’autres que l’on espère secrètement et enfin une dernière catégorie, celle des titres que l’on n‘attend même plus. Sans surprise, Streets of Rage 4, à l’instar d’un Duke Nukem Forever ou d’un Shenmue 3, a longtemps fait partie de cette ultime catégorie. Comprenez que cette franchise incontournable de la castagne qui a fait les beaux jours de la MegaDrive (mais aussi de la Master System, de la GameGear), n’a plus donné signe de vie après le développement avorté d’une suite en 3D sur Dreamcast. Dommage la Saturn ou la Titan (la déclinaison arcade de la 32bits de SEGA) auraient sans doute été des plateformes parfaitement adaptées à l’arrivée d’un quatrième volet en bonne vieille 2D. Il faut croire que l’accueil glacial réservé au troisième opus et le passage boiteux au “tout 3D” ont incité SEGA et Ancient Corp à plonger la franchise dans une longue stase. Difficile de ne pas l’avoir mauvaise. Pendant plus de vingt-cinq ans, SEGA s’est amusé à ramener à la vie des licences emblématiques de son âge d’or et tombées dans l’oubli comme Altered Beast ou même encore Golden Axe… prédécesseur à la sauce Heroic Fantasy de la licence Streets of Rage. Sans succès. Mais réjouissons-nous. La résurrection de SOR n’est pas venue du lointain Orient mais de notre bonne vieille patrie ! Les français de LizardCube, CrushGuard Games et DotEmu livrent enfin au monde le quatrième volet de Streets of Rage qu’on n’espérait plus : joie ?
Avant de nous laisser l’accès au mode Arcade (on reviendra dessus un peu plus bas) le jeu impose de se frotter auparavant au mode Story. L’histoire de ce jeu se déroule une dizaine d’années après les événements de Streets of Rage 3. Les héros emblématiques de la saga, Axel et Blaze, doivent faire face à l’émergence d’un nouveau syndicat du crime accompagné d’une recrudescence de la criminalité dans les rues de Wood Oak City. Seuls contre une police corrompue, le blondinet à la barbe hirsute et la brunette aux mandales fatales sont épaulés dans ce quatrième opus par deux autres combattants. Ils sont assistés par Floyd Iraia un colosse maori aux bras cybernétiques adepte des corps à corps musclés et Cherry Hunter une virtuose de la gratte qui s’avère tout aussi douée en baston que Skate ou Adam son père, héros du premier volet de Streets of Rage. Notez d’ailleurs que ce dernier reprend du service en se joignant à ses anciens compagnons d’arme en cours de route. À ces cinq personnages jouables, le titre offre d’arpenter douze niveaux dont certains semblent reprendre – par hommage- des portions de levels , protagonistes en arrière-plan et éléments graphiques issus d’anciens opus. Il s’agit toujours d’arpenter des rues, un bar de bikers, une marina mal famée, de survivre à des croisières mouvementées ou à l’ascension en ascenseur d’un luxueux gratte-ciel. Le titre offre évidemment d’arpenter d’autres lieux plus originaux comme un hammam, un dojo ou le toit d’une rame de métro. Avec ses douze niveaux dont certains s’achèvent en l’espace de cinq à dix minutes, Streets of Rage 4 est doté d’une campagne solo que l’on expédie – comme autrefois – en l’espace d’une petite soirée. Diable ! Voilà qui est court ! Cependant comme précisé un peu plus haut, le titre autorise l’accès au mode Arcade et à d’autres types de partie une fois la campagne achevée afin de nous confronter à un challenge un peu plus… disons musclé. L’Arcade n’offre pas de continues et n’octroie qu’un nombre de vies plus ou moins limitées selon le degré de difficulté sélectionné à chaque début de tableau. Notez que le titre propose aussi un mode Duel (un versus) où l’on peut affronter un autre joueur toujours à la manière d’un Beat Them Up le temps d’un round ou se lancer dans mode Boss Battle on l’on doit affronter à nouveau les différents gardiens de fin de niveaux. La finalité ? Accumuler suffisamment de temps de jeu ou plutôt de score au compteur général pour débloquer des combattants supplémentaires issus des précédentes moutures de Streets of Rage ou inédits. Voilà qui assure d’emblée une très bonne rejouabilité de ce jeu aux fans de la première heure !
En revanche, pour les deux du fonds qui n’ont jamais joué à Double Dragon, Golden Axe, Final Fight ou Streets of Rage, rappelons qu’un Beat Them Up est un genre de jeu, tout droit venu des salles d’arcade. Il s’agit d’avancer à travers des successions de tableaux en affrontant des vagues d’ennemis. Un peu comme un Bayonetta ou un Devil May Cry ? Oui… et non. Ces jeux sont basés sur une version modernisée du genre, puisque les protagonistes disposent notamment de gardes et d’esquives bien utiles. S’il permet toujours de s’aider d’une tripotée d’armes (battes, tuyaux, sabres…) pour calmer les ardeurs des ennemis ou de récupérer des items curateurs, Streets of Rage 4 est un jeu qui se joue à l’ancienne : frappe ou crève ! C’est d’autant plus frustrant pour ne pas dire injuste puisque les ennemis disposent quant à eux de parades et parfois de contre-attaques. Certes rien n’empêche d’abuser plus qu’à l’époque des coups spéciaux, même s’ils vampirisent toujours de l’énergie, on peut regagner la vitalité perdue en enchaînant les attaques sur les ennemis. Et qu’en est-il de ce “bestiaire” ? Un coup d’oeil aux concept arts devraient vous filer le bourdon. Pas mal d’anciens gardiens de fin de niveau et adversaires auraient pu rempiler, mais les studios – sans doute pressés par le temps – ont fait l’impasse sur certains boss imposant hélas deux confrontations en match retour. Si l’on éprouve du plaisir à retabasser du Galsia, du boxeur thaï ou des mastodontes cracheurs de feu, incontournables de la série, les équipes ont aussi “modernisé” les effectifs. Ils ont ajouté des karatékas, des policiers moustachus, des flics anti-émeutes, des motardes grassouillettes, des punkettes lanceuses d’acides et des divas. Globalement les ennemis sont assez enquiquinants – pour rester poli – rien n’empêche un Galsia de venir nous planter avec son canif tandis que l’on s’affaire à distribuer des mandales à ses congénères. Mais la palme revient à d’insupportables bandes de gamins qui se la jouent à la Ryuji Yamazaki (Fatal Fury 3) ! Eux aussi se battent en conservant les mains dans les poches mais ils bénéficient d’une allonge assez redoutable lors qu’ils donnent des coups de tatanes et ils peuvent effectuer de sournois équivalents aux Hurricane Kick de Ryu et Ken de Street Fighter 2 : en prime ! La mauvaise nouvelle, ils sont parfois accompagnés d’une demi-douzaine de leurs collègues. Allez, bonne chance !
Si les persos de Streets of Rage 4 peuvent employer des coups de base et des coups spéciaux, notez qu’ils peuvent aussi utiliser des furies. Pas forcément utiles lors des combats contre les boss, elles permettent en revanche de pouvoir infliger des dégâts à de nombreux ennemis lors des situations les plus critiques. Un peu comme la voiture de flics du premier Streets of Rage. D’ailleurs les combattants issus des volets précédents conservent leurs aptitudes d’origine. N’espérez pas voir le sémillant Axel issu de SOR1 exécuter le “Grand Uppa” ou le Dragon Puch enflammé des versions postérieures ou plus généralement des coups spéciaux. S’il possède une palette d’action largement plus limitées (et rigide) l’Axel “tout en pixels” (comme Blaze ou Adam) bénéficie d’une meilleure allonge et il peut distribuer plus de coups. Bref chaque version des personnages possède ses forces, ses faiblesses en sus de recourir à des aptitudes uniques. Quant aux nouveaux venus, la petite Cherry se bat vraiment comme Skate (son oncle), elle est rapide et en cas de choppe elle possède le même enchainement de coups de poings portés à la tête de l’adversaire suivi d’une projection. En ce qui concerne Floyd, il possède une bonne portée lors de ses coups spéciaux, mais il est flanqué d’une lenteur assez exaspérante qui vient sans doute contrebalancer sa puissance de frappe ! À vous de choisir selon votre style de jeu !
Achevons ce tour du propriétaire en abordant enfin la réalisation. Graphiquement SOR 4 est somptueux ! À la réalisation on retrouve le studio LizardCube, responsable de l’excellent remake de WonderBoy III paru en 2017 sur Switch. Plutôt que de développer un nouveau moteur graphique ils ont réutilisé celui développé par Guard Crush Games pour leur jeu Streets of Fury. Le titre a hérité au passage des mécaniques de ce dernier vouant un amour immodéré pour les combos de malades et les séances de jongle spectaculaire du moins en coop. Quant aux digitalisations “Mortal Kombatesques” des combattants et le graphisme photoréaliste, ils ont été troqués contre un rendu 2D semblant sortir tout droit d’un animé… du moins en ce qui concerne les persos de ce quatrième opus. Que les fans des précédents volets se rassurent. Certes, l’incrustation des persos de SOR (premier du nom) s’est faite au prix de pixels bien visibles, mais malgré tout le jeu reste incroyablement beau. Sur la version PS4 qui a servi au test, ce jeu offre des arrières plans extrêmement détaillés, des éclairages du plus bel effet mêmes sur nos bons vieux persos en 2D, un rendu dépourvu d’aliasing et une action fluide. Du bonheur pour les rétines ! Nos oreilles ne sont évidemment pas en reste puisque Yuzo Koshiro génial compositeur des musiques des volets fondateurs a rempilé sur la BO de ce Streets of Rage 4, en collaboration avec Olivier Deriviere et Motohiro Kawashima. Une nouvelle bande-son, inédite, qui peut être troquée contre les musiques “rétro” après un petit tour dans les options pour ceux qui aiment se la jouer vieux jeux jusqu’au bout ! Enfin côté maniabilité, le titre tire parti de six boutons d’actions sur notre DualShock4. Un pad MegaDrive USB 6 boutons aurait pu faire l’affaire. Dommage qu’il ne soit pas pris en charge par notre PS4 !