“Ce n’est pas une défaillance de votre téléviseur, n’essayez donc pas de régler l’image”, en effet, cette production d’Exordium Games inspirée d’un film noir a laissé la couleur au placard. Une expérience assez déroutante… à plus d’un titre.
Avouez qu’en repartant de chez votre revendeur avec votre Xbox One ou PS4 (ou leurs variantes Ultra HD 4K) sous le bras, vous pensiez à l’époque en prendre plein les mirettes par des explosions de couleurs chatoyantes ou par la complexité des graphismes. Bear With Me ne fait clairement pas partie de cette catégorie de jeux époustouflants qui poussent les bécanes de Sony et Microsoft dans leurs derniers retranchements. Sortie en 2016 sur PC, cette aventure monochrome qui affichait un appétit de moineau débarque trois ans plus tard sur nos machines de salon. Et elle déroute aussi bien par sa réalisation graphique que par son gameplay. Quant au postulat de départ, il est plutôt simple, il invite à suivre l’enquête menée par le détective Ted E. Bear et la jeune Amber dont le frère a mystérieusement disparu. Une aventure digne d’un film noir qui se déroule dans la ville imaginaire de Paper City où rôde un inquiétant pyromane (tueur en série à ses heures) tout de rouge vêtu. Qui veut la peau de l’ours ?
A l’instar des productions de feu Telltale, ce Bear With Me avait aussi opté pour un format épisodique échelonnant du coup la sortie des chapitres sur Steam entre 2016 et 2017. Pas question de poireauter, les trois épisodes d’origine ainsi qu’un prologue inédit sont disponibles immédiatement ! Mais à la différence de Wolf Among Us ou de Walking Dead, ce titre ne profite pas d’une jouabilité cousue main pour les manettes de jeu. Pensé pour être plutôt pratiqué à la souris, ce point & click pur jus, impose de trimballer le pointeur d’un bout à l’autre de l’écran à l’aide du stick analogique en cherchant sur chaque tableau des éléments interactifs ainsi que des objets à glaner et à fourrer dans l’inventaire ou à combiner. Classique mais terriblement lourdingue, faute de prise en charge du mulot sur Xbox One le pointeur manque cruellement de précision, voire aussi de célérité. À priori un problème de lourdeur que ne devraient pas rencontrer les aventuriers possesseurs de Switch. Le titre semble tirer parti des capacités tactiles de l’écran de la portable de (salon de) Nintendo. Evidemment, Bear With Me invite aussi à tailler le bout de gras avec toute une galerie de protagonistes en peluche ou articulés à l’occasion de dialogues anecdotiques qui n’ont que pour seul intérêt de lever progressivement le voile sur l’intrigue. Et contrairement à d’autres productions du genre, il n’offre pas d’aides comme l’affichage des éléments interactifs présents à l’écran voire un journal de quête. Un oubli sans doute volontaire de la part des développeurs croates, l’histoire principale de Bear With Me peut s’achever en l’espace d’une demi-douzaine d’heures… seulement.
En ce qui concerne la réalisation on est loin du monochrome d’un Madworld. Le noir et blanc tout en nuances de gris de Bear With Me affiche des décors – le plus souvent en plans fixes – peu détaillés et tout aussi peu animés que les personnages qui les peuplent. Pas étonnant, le jeu n’occupe que trois malheureux Gigaoctets sur le disque dur, et c’est sans doute les pistes sonores des nombreux dialogues qui s’accaparent le plus d’espace. Difficile de juger la réalisation de Bear With Me. Disons que le titre offre parfois quelques effets d’éclairages “surprenants” (donc réussis) et que le chara design est assez attachant, notamment le personnage de Ted E. Bear, l’ourson détective à la voix de fumeur de cubains et de buveur de Whisky. Dans le même temps c’est sans doute le rythme léthargique de son binôme de héros, combiné aux fréquents temps de chargements et à la lourdeur de ses mécaniques qui exaspèrent. Le jeu censé se dérouler vers le milieu du siècle dernier fourmille d’une multitude de références anachroniques qui feront sourire (Metal Gear, X-Files, Iron Man, Super Mario…) le geek qui est en vous. Enfin, signalons que si les voix des protagonistes sont en anglais, les textes comme les sous-titres en français sont heureusement de la partie. A noter une (très courte) version d’essai du prologue The Lost Robots est disponible sur Xbox One ou PlayStation 4, un bon moyen de se faire une (rapide) idée de Bear With Me et de se frotter à sa maniabilité si détestable.