Après avoir œuvré sur quelques adaptations de la franchise Star Wars sur consoles portables sans grande envergure vers le milieu des années 2000, on se demandait de quelle manière Ubisoft allait livrer sa propre vision la saga. Finalement, faut-il s’étonner de voir Ubi faire du Ubi ?
Si comme moi vous avez été biberonné aux VHS et diffusions télé de la trilogie originale de Star Wars sur les chaînes hertziennes, l’arrivée de chaque film de la prélogie était jadis un événement. Que dis-je ?! Une bénédiction ! Depuis la fin du règne de Georges Lucas et la passation de pouvoir à Disney, l’équilibre dans la force s’est rompu ! Ainsi la cadence de production des films et des séries s’est emballée, parfois pour le meilleur, et aussi pour le pire. Dommage ! Du côté des jeux en revanche, à l’époque on pouvait compter sur les productions estampillées Star Wars pour approfondir son savoir sur l’univers de Georges Lucas et briller ainsi en société. Hélas bon nombre de ces connaissances encyclopédiques sur le lore patiemment accumulées ont achevé leur course dans un compacteur de déchets, en basculant dans l’univers non canon de la saga. Rageant ! Afin de ne pas voir leurs protagonistes finir comme Kyle Katarn ou Starkiller en tombant dans l’oubli, Ubisoft et le studio Massive ont pioché allègrement dans les univers des films (des différentes trilogies, et même de Solo) et des séries. Un bon point. Pour mémoire, ce n’est pas la première fois qu’Ubisoft se frotte à la saga de Georges Lucas. Ubisoft a réalisé entre 2004 et 2006 des adaptations honnêtes mais pas toujours mémorables pour les consoles portables parues sur GBA, PSP et Nintendo DS. On remercie l’éditeur pour l’envoi d’un code Xbox Series que l’on a pu tester durant une quinzaine d’heures sur Xbox Series X. Un petit remède au blues de la rentrée scolaire ? Allez c’est parti, mets la gomme Chewie !
Comme dit en préambule de ce passage sur le grill, Ubisoft livre un jeu d’action aventure basé sur Star Wars. Un titre doté d’une vue à la troisième personne, mâtiné d’infiltration et RPG en monde ouvert destiné à être pratiqué Han Solo… pardon, en solo. En clair, le genre de mix improbable comme l’éditeur aime tant en produire. Habitués des The Division, Assassin’s Creed, FarCry, Beyond Good and Evil ou Watchdogs ? Rassurez-vous, vous êtes – presque – en terrain connu. Se déroulant entre les événements de l’Empire Contre-Attaque et le Retour du Jedi, Star Wars Outlaws se focalise sur les péripéties d’une nouvelle héroïne qui n’est ni une Jedi, ni une pilote rebelle chevronnée mais une hors la loi, contrebandière et chasseuse de prime à ses heures. Sacré CV pour Kay Vess, la gamine des rues de Canto Bright (mais si la ville avec le casino et champ de course de l’épisode VIII), devient la cible de Sliro après avoir volé son vaisseau fétiche le Trailblazer. Contrainte de fuir son monde natal qui est aux mains du puissant baron du crime, elle est épaulée dans son épopée par des compagnons d’armes et aussi par Nix sa bestiole choupinesque. Notre gentille vaurienne se retrouve à échafauder un plan pour se débarrasser du caïd qui la pourchasse à travers la galaxie, tout en œuvrant pour les syndicats criminels concurrents. En sus des Hutts, on retrouve aussi les Pykes et l’Aube Écarlate (vus notamment dans The Book of Bobba Fett et Solo), ainsi qu’un nouveau clan les Ashiga. Ces factions confient des missions principales ou secondaires riches en crédits mais gare : les objectifs peuvent souvent altérer votre relation/affinité avec l’une des autres guildes. Pas évident de conserver un semblant de neutralité quand on ne vous laisse guère le choix. C’est-à-dire quand l’option de dialogue n’est pas présente durant la négociation. Un peu frustrant ! Comme elle n’a pas pour vocation à ramener l’équilibre dans la Force, notre héroïne n’est pas tenue à un comportement vertueux. C’est déjà ça !
Ubisoft ayant déjà livré fin 2018 un sympathique mais hélas pas inoubliable Starlink, on s’attendait à pouvoir arpenter les quelques planètes (Tatooine, Kijimi, Akiva et Toshara) aussi librement. Comprenez en utilisant le vaisseau. S’il est bien possible de se livrer à d’intenses dogfights enragés, enrichis en sensations fortes, en orbite de ces mondes contre des vaisseaux de l’Empire ou des escadrilles de pirates de l’espace, une fois sur le plancher des banthas le jeu s’apparente davantage aux productions habituelles d’Ubisoft. Ainsi l’exploration se fait au ras des pâquerettes, en speedbike, afin de traverser les immenses étendues inhospitalières. Gare, les routes accidentées sont bordées de rochers sournois propices aux chutes, et elles sont truffées d’ennemis bien décidés à faire la peau à notre héroïne. Entre les barrages des troupes impériales et les guet-apens tendus par les malandrins mieux vaut s’écarter des sentiers battus. S’aventurer dans les villes ou bourgades nécessite par-contre de mettre pied à terre. L’occasion d’aller faire des emplettes chez les mécanos ou artisans, de partir en quêtes de contrats à la cantina du coin ou d’espionner les conversations pour découvrir l’emplacement de butins cachés. Malgré des villes assez peuplées on regrette de ne pas pouvoir interagir ou détrousser les PNJ. Que les amateurs de la Guerre des Etoiles se rassurent, on s’immerge avec délectation dans l’univers de Star Wars Outlaws. En sus d’offrir des phases de plateformes et d’exploration bien rythmées lors des missions, les quelques mondes ouverts du jeu offrent des événements semblables à ceux d’un The Division/Destiny. Durant ces séquences on doit défendre des villageois lors d’un raid de bandits, attaquer une escouade de Stormtroopers afin de remporter des caisses de composants nécessaires à l’amélioration de l’équipement. Enfin notez aussi que les combats spatiaux face aux pirates de l’espace ou engins de l’Empire octroient d’autres types de loots qui permettent d’améliorer le vaisseau. Mais attention ! Souvenez-vous que lorsqu’on l’attaque, l’Empire Contre-Attaque !
Si on l’a présenté comme un familier, Nix est loin de se borner au rôle de figurant choupinesque. La bestiole s’avère utile lors des phases de plateforme/exploration pour activer des interrupteurs à distance et lors des séquences d’infiltration pour subtiliser des items, activer des explosifs et distraire les gardes et autres stormtroopers, qui patrouillent dans les coursives labyrinthiques. Ces repaires étroitement surveillés et bourrés de caméras regorgent aussi de bouches d’aération (habituelle faille de sécurité des structures de l’Empire) qui permettent d’évoluer en toute discrétion. Loin de se cantonner à de l’infiltration pure et dure, Star Wars Outlaws perd haleine lors de ces phases où la discrétion est de mise pour ne déclencher aucune alarme. Du die and retry pur jus des plus agaçants tant les mécaniques s’avèrent parfois un peu grippées et l’IA ennemie exagérément omnisciente ! Heureusement, le jeu permet de reprendre sa progression depuis un point de contrôle et consigne automatiquement l’aventure. Que les amateurs d’action se rassurent, le jeu invite plus souvent à faire feu de tout bois à grands coups de blasters. Jubilatoire ! Surtout quand notre héroïne peut esquiver les attaques en exécutant une roulade, et employer une sorte de Bullet Time pour cibler et éliminer jusqu’à une demi-douzaine d’ennemis lors des rixes scriptées les plus intenses. S’il est possible de ramasser et utiliser les Blasters E11 ou les mitrailleuses des Stormtroopers dans le feu de l’action, on ne peut que transporter et employer un seul type d’arme. Hélas. Le flingue est certes évolutif, possède plusieurs modes de tirs (laser, explosif, rafale…) dont le tir ionique destiné à endommager les robots ou alimenter les mécanismes électriques. D’ailleurs, notez que Star Wars Outlaws propose de faire frétiller ses méninges lors de mini jeux de logique pour hacker des systèmes ou lors d’autres basés sur le rythme pour ouvrir des portes. Malin ! Histoire de se changer les idées, le titre offre aussi de se détendre sur des petits jeux d’arcade, de parier sur des courses de montures de Canto Bright ou de s’adonner à des parties de Sabacc.
Star Wars Outlaws a été testé sur Xbox Series X grâce à un code fourni par l’éditeur, quelques jours avant sa sortie. Carburant au moteur graphique fait maison de chez Massive, le Snowdrop, employé en premier lieu par The Division, et plus récemment par XDefiant et Avatar Frontiers of Pandora, Outlaws ne profite pas d’une sortie sur les machines de la génération précédente. Dommage ! Une PS5, un PC musclé ou une Xbox Series (S ou X) sont ainsi nécessaires pour s’évader vers les systèmes de la bordure extérieure. Sur la reine de beauté de chez Microsoft, le jeu a le mérite de tourner convenablement grâce à deux modes de rendu. Le premier met l’accent sur la fluidité en optant pour un rendu moins généreux en esbrouffe, le second mode en met davantage plein les yeux en offrant des effets graphiques et de particules s affinés en 4K. Pour voir le jeu gagner un chouia en nervosité dans ce dernier mode de rendu “affiné”, mieux vaut désactiver le flou de mouvement et le filtre grain de pellicule dans les options graphiques. Une façon aussi d’éviter de voir l’animation yoyoter à l’approche d’une bourgade surpeuplée. Visuellement, quand il n’affiche pas des éléments du décor buggés, Star Wars Outlaws peut se vanter d‘être splendide. Les textures des environnements sont détaillées, le chara design des différentes races alien est léché, comprenez fidèle à la saga, le jeu nous émerveille par la beauté de ses effets climatiques, la complexité de ses décors qui s’étendent à perte de vue (même si l’on se mange fréquemment des obstacles à moto qui semblent popper de nulle part) et par son cycle/jour nuit. D’ailleurs on en vient presque à écraser une larme en voyant les 2 soleils se coucher sur le désert de Tatooine. Époustouflant il l’est aussi par ses combats spatiaux qui n’ont rien à envier à la nervosité de ceux du très sympathique Star Wars Squadron notamment lorsqu’ils se déroulent dans la nébuleuse de Kijimi. Évidemment un projet de cette envergure, en openworld, souffre occasionnellement de quelques couacs. Notamment lorsque l’IA déraille en poursuite en speedbike et se retrouve encastrée dans un mur invisible. Un peu frustrant quand juste avant Outlaws avait sorti le grand jeu en lançant des chasseurs Tie en rase-motte à nos trousses à l’occasion d’une séquence scriptée d’une main de maître. Enfin on peut lui reprocher aussi le manque de finition de certaines animations, où lors d’une « exécution” au corps à corps, la victime laisse échapper son blaster avant même de recevoir le premier coup. Côté maniabilité, si le jeu répond assez bien à nos sollicitations lors des séquences d’action/infiltration à la troisième personne ou de speedbike, on regrette de ne pouvoir modifier les contrôles du vaisseau à notre guise. Ainsi en inversant le stick destiné au contrôle du Trailblazer et celui dévolu au roulis/ contrôle des gaz… cela se répercute sur les phases à pied. Un brin dommage. Et puis quelle drôle d’idée d’interagir avec l’environnement (switchs, grappin…) par une pression du stick droit, c’est pour le moins inhabituel et contre-intuitif ! Rien à déplorer du côté des voix et des textes. Même s’il est assez déroutant d’entendre un Rodien s’exprimer dans un français parfait… et non dans la langue de Greedo. D’ailleurs le jeu propose une VF intégrale (ou presque) de très bonne facture, puisque certains protagonistes s’expriment dans d’autres dialectes. Difficile d’imaginer plus immersif ! Il ne manque à ce jeu qu’une bande-son signée par John Williams. À la place, nos cages à miel se régalent de musiques inspirées par les thèmes du célèbre compositeur. De là à les surpasser ? Non, il n’y a pas essayé.