Après 28 années d’existence – ou presque – le célèbre show américain du gaming tire sa révérence une bonne fois pour toutes.
Avant la création de l’E3 – son nom complet étant l’Electronic Entertainment Expo – l’industrie du jeu vidéo n’avait pas vraiment de show dédié. A mes débuts, l’industrie du jeu vidéo se réunissait pendant le CES de Las Vegas. Il aura donc fallu attendre 1995 pour que le syndicat des éditeurs américains ne se décide à organiser son propre show à Los Angeles – avec deux éditions à Atlanta et deux autres à Santa Monica.
Pour avoir couvert plus d’une douzaine d’E3 dans ma carrière, il faut bien avouer que lors des années fastes – en gros les années 2000 -, ce show typiquement à l’américaine faisait dans la fiesta, la démesure tout en étant un rendez-vous incontournable pour tous les professionnels de l’industrie du jeu vidéo mondial que ce soient les développeurs, les éditeurs, les médias, la distribution, etc. Bien placé dans le calendrier, mi-mai à mi-juin en fonction des éditions, l’E3 est devenu très rapidement la période d’annonces des projets à venir. Pour les médias, on pouvait découvrir et détecter les futurs hits plusieurs mois à l’avance. Pour le business, l’E3 permettait déjà les premières commandes pour les lancements de fin d’année.
Au fil des éditions, l’E3 était devenu un véritable show rock’n roll où l’industrie florissante se rassemblait. Les éditeurs ne lésinaient pas sur les moyens mis en oeuvre pour attirer les visiteurs professionnels – l’E3 s’étant ouvert au public que dans ses dernières années. Les constructeurs consoles dépensaient des millions de dollars pour mettre en avant leurs machines et leurs jeux. On a eu ainsi droit tous les ans à une méga soirée Sony qui rassemblait des milliers d’invités soit dans des studios de cinéma réaménagé ou dans des stades avec méga buffet et concerts de stars comme Macy Gray, Beck, Missy Elliot, Black Eyed Peas, etc. Microsoft avait fait de même à moindre échelle. Et je compte plus les soirées des éditeurs. Autant dire que nos emplois du temps étaient blindés jour et nuit pendant une petite semaine particulièrement éreintante pour tous les participants.
Tous les ans, l’E3 devenait the place to be avec les fameuses conférences des trois consoliers ainsi que de certains éditeurs. Là encore, pour en avoir couvert des dizaines, la qualité de production de véritables shows est montée crescendo au fil des années. Tout le monde y allait de leur présentation sur des scènes plus ou moins immenses avec des bandes-annonces hyper-léchées que nous les médias relayions après – avant l’avènement de Youtube et des réseaux sociaux. Bref, il y avait quelque chose de particulier pour tous ceux et toutes celles qui ont pu connaître l’E3 pendant son âge d’or.
Malheureusement l’évolution du marché, des technologies et le Covid ont très largement poussé l’E3 vers sa sortie. Les coûts prohibitifs ont fini par pousser certains à abandonner l’E3 notamment Sony. Le livestream sur les plateformes comme Youtube ou Twitch ont aussi permis à tous les compagnies d’accéder à un nouveau moyen de communication. Ils pouvaient ainsi toucher non seulement les professionnels mais aussi leur public directement et cela à moindre coût. Si vous suivez Playscope depuis des années, vous avez bien pu découvrir l’émergence des streams d’éditeurs, de constructeurs comme les Nintendo Direct, les State of Play de Sony et bien d’autres encore.
C’est donc dans la logique des choses que l’organisateur, l’ESA, a annoncé la mort de l’E3. Pour sûr un tel show avec les coûts impliqués n’avait plus de sens de nos jours. Il n’en demeure pas moins que – comme bien d’autres personnalités de l’industrie – je vais regretter un peu ce show qui permettait à l’industrie de se rassembler dans une fête annuelle célébrant le jeu vidéo.
D’autres shows dans le monde vont continuer leur existence mais avec une approche bien différente. Je pense notamment aux Tokyo Game Show, Taipei Game Show, Gamescom, PGW ou encore China Joy. Ce sont surtout des salons grand public permettant aux joueurs de découvrir les jeux déjà sortis ou bientôt à sortir. Ces shows rassemblent très rarement la foultitude de grosses annonces comme ce fut le cas lors des E3. Bref, le monde a changé. Les technologies ont changé. Les usages ont changé. L’E3 dans son format classique n’avait plus vraiment sa place et les organisateurs n’ont pas réussi à trouver une nouvelle formule.
RIP E3 !