L’écrivain le plus poissard fait son grand retour après treize ans d’absence. L’attente aura été longue, sauf pour les quelques joueurs – PlayStation pour ne pas les balancer – qui ont découvert la licence fin 2021. Prenez une lampe torche et un flingue, préparez-vous à vous engouffrer dans les ténèbres… encore.
Bien plus qu’un simple survival horror, Alan Wake aura été lors de sa sortie une sympathique vitrine technologique pour une Xbox360 que l’on pensait arrivée à bout de souffle. C’était aussi pour les finlandais de chez Remedy, le début d’une collaboration avec Microsoft Studios, qui aura offert un spin-off plus orienté action intitulé American Nightmare ainsi qu’un sympathique Quantum Break. Le CV du studio nordique n’a pas démarré avec la Xbox 360. Ainsi il faut plutôt remonter vers le milieu des années 90, quand Remedy avait développé Death Rally pour le compte d’Apogee et surtout son œuvre majeure Max Payne (et sa suite) au début des années 2000. Après son passage chez Redmond, le studio s’est ouvert aux autres plateformes en livrant tout d’abord un Control, qui aura un peu peiné à nous captiver ainsi qu’un remaster d’Alan Wake paru sur PS4 et PS5 en 2021. Voilà en somme un curriculum vitae sans véritable fausse note, même si le studio a tenté aussi de s’aventurer sur mobile et le free to play à l’occasion de jeux passés sous notre couverture radar.
Se déroulant – ô hasard – treize ans après les faits du premier opus, Alan Wake II offre un retour à Bright Falls. Pas question d’incarner le romancier dérangé dès le début de l’aventure. Le titre propose à la place de suivre, Saga Anderson. Cet agent du FBI enquête avec son coéquipier Max P… pardon, Alex Casey sur une série de meurtres survenus à Cauldron Lake. Le simple fait-divers vire au macabre et à la nuit tombée nos enquêteurs se retrouvent embarqués dans une épopée qui bascule carrément à l’horreur peu avant que Alan Wake refasse surface. Rêve ? Réalité ? Une chose est certaine ce cauchemar vous tiendra « épisodiquement » éveillé et en haleine durant une quinzaine d’heures. Si le volet initial d’Alan Wake avait adopté un découpage et déroulement à la manière d’une série télé, sa suite possède un rythme – presque- plus conventionnel par chapitrage et qui s’achève en « chanson ». Paraîtrait que la musique adoucit les mœurs. Elle permet en tout cas de souffler un bon coup entre chaque partie de l’intrigue riche en horreurs ou en surprises. Sans trop en dévoiler de l’histoire, Sam Lake à l’écriture – et cabotinant dans la peau d’Alex Casey – ne s’est pas privé de glisser une multitude de références aux autres productions du studio, allant même jusqu’à « pasticher » Max Payne : sympa !
À l’instar d’Alan Wake, sa suite se présente toujours sous la forme d’un jeu d’action/aventure à la troisième personne. Attention ! N’espérez pas faire feu de tout bois ! Survival horror oblige le titre impose de compter ses munitions, de gérer sa jauge de vie et de garder quelques piles en réserve pour la lampe torche. En sus de servir à s’éclairer dans les endroits les plus glauques et obscurs (grottes, tunnel du métro, forêt, fête foraine abandonnée …), elle sert surtout à repousser les ardeurs des adeptes d’un culte changés en esprits « frappeurs ». Si les formes les moins évoluées ou les plus bestiales préfèrent l’attaque au corps à corps, d’autres genres de possédés peuvent se déplacer à des vitesses fulgurantes, lancer des haches ou employer des armes à feu. Gardez donc le doigt sur la torche plutôt que sur la gâchette pour repousser ces hordes menées par Grincement, l’alter égo sadique d’Alan Wake ! Quand on incarne Saga ou Alan, le jeu connaît de légères variations dans les mécaniques de gameplay. Du fait de son statut d’agent du FBI, notre investigatrice doit glaner des preuves afin de faire avancer l’enquête. Il s’agit de classer ces indices sur un tableau situé dans l’antre mental de Saga voire de dresser le profil d’un suspect/victime pour faire apparaître davantage d’interactions. Que de temps perdu dans un parc à thème érigé à la gloire de la caféine à chercher un objet de quête, quand un simple tour dans l’antre mentale suffisait à faire apparaître le précieux artefact. Frustrant ! Alan quant à lui doit jouer avec l’ombre et la lumière afin de faire apparaître de nouvelles issues dans les levels grâce à une lampe qu’il doit allumer/éteindre dans des sections précises du niveau. Et étant donné son expérience d’écrivain, il peut aussi réécrire l’histoire pour lui permettre de passer dans un tunnel éboulé. Le jeu ne craint pas d’être déroutant et répétitif, allant jusqu’à nous faire douter que l’on s’est engagé sur la bonne voie. Même si certains niveaux sont plus « ouverts » que d’autres, le plus souvent on essaye de suivre l’intuition de notre héros /héroïne ou sans trop s’aventurer hors des sentiers battus… au risque de passer à côté de précieux items ou upgrades dissimulés dans des recoins obscurs. En guise de point de sauvegarde payez-vous une pause-café dans un endroit bien éclairé avant de replonger dans l’horreur. Un kawa et ça repart !
Afin d’être accessible au plus grand nombre de joueurs notez que le titre propose différents modes de difficulté dont un mode ”histoire”. Bien qu’il réduise drastiquement la quantité de balles nécessaires à renvoyer les possédés vers leurs créateurs, ce mode focalisé sur l’histoire fait apparaître davantage d items (balles, medikits, piles…) et semble prolonger l’autonomie de la lampe torche tout en réduisant le nombre d’ennemis dont on croise la route. S’il est impossible de changer le niveau de difficulté à sa guise en cours de partie, en revanche en cas d’échec répété – surtout face à un boss – le jeu ne tarde pas à proposer de niveler la difficulté vers le bas. Un peu honteux mais pratique, le titre délivre malgré tout de bonnes sensations horrifiques et l’intrigue reste captivante malgré – peu importe le mode de difficulté – quelques lourdeurs dans les « sous-menus ». Cocktail d’action et exploration, le jeu lorgne aussi souvent du côté de la réflexion et impose de résoudre des puzzles parfois pas piqués des hannetons. Prêts à faire frétiller vos cellules grises ?
Avant d’attaquer le volet technique, précisons que le jeu a pu être testé grâce à un code destiné à la Xbox Series X fourni par Remedy. Iso Kiitos (un grand merci en finlandais) ! Comme les précédentes productions du studio, Alan Wake II carbure au NorthLight Engine. Comprenez qu’il exploite le même moteur graphique que Control et même Quantum Break. Ces deux titres sont sortis sur la génération de consoles précédente, PS4 et Xbox One, et il faut bien le dire, on sentait que – jusqu’ici – même s’il étaient splendides le moteur était loin d’avoir délivré tout son potentiel. Sur Xbox Series X, en 4K, le jeu offre deux types de rendu. Un premier réglage dédié à la fidélité de rendu tournant à 30 images par secondes et un autre davantage axé sur la fluidité aux effets graphiques moins fins mais incomparablement plus « jouable » et qui mouline à 60FPS. Dans les deux cas, Alan Wake II ne se prive pas d’en mettre plein les mirettes. Les environnements du jeu (intérieurs et extérieurs) sont détaillés, pourvus d’effets d’éclairages saisissants de réalisme. Quant aux modélisations des protagonistes « humain » elles sont vraiment réussies. Ainsi leurs expressions faciales et animations corporelles sont hyper expressives. Un régal ! Certes on a précisé un peu plus en amont de ce passage sur le grill qu’Alan Wake II était doté d’environnements ouvertes. Ce n’est pas tout à fait exact puisque les environnements restent balisés et le jeu ne simule pas le cycle jour/nuit. Parmi les autres regrets citons aussi la gestion de la physique parfois minimaliste mais plus souvent – hélas – inexistante. A quoi bon vouloir pousser un caddy abandonné ou taquiner des ballons de baudruches quand ils ne bougent pas d’un iota. Une gestion de la physique d’un autre âge. Elle contraste avec les splendides effets d’éclairages de la lampe torche qui offre des ombres en temps réel détaillées ou même la queue de cheval de Saga qui bouge avec grâce et naturel. Le jeu ayant été mis à jour a de nombreuses reprises lors de ce test, pas évident de profiter du Quick Resume de la Xbox Series X. Mais l’un des plus gros regrets concernant Alan Wake II vient sans doute de la partie sonore et notamment des doublages. Ainsi le jeu se veut en français intégral pour ses textes, menus et voix… en théorie. En pratique pas mal de dialogues sont restés en VO et trahissent une sortie sans doute trop précipitée. Dommage puisque la VF de ce jeu est un régal pour nos esgourdes, tout comme les splendides musiques composées par Petri Alanko (connu pour avoir œuvré sur les BO d’Alan Wake, Control ou Quantum Break) et qui offrent un brillant retour à Bright Falls.