Sonnez clairons, résonnez trompettes, le Street Fighter nouveau est arrivé ! Attendez-vous à en prendre plein les yeux et vos adversaires plein les dents ! Fight !
Comment modérer son enthousiasme ? Il nous tardait de mettre enfin la main sur la version finale de ce Street Fighter 6 que l’on a pu essayer à quelques reprises au cours de l’année écoulée. Jusqu’ici nous avons pu tâter du Street lors de l’édition 2022 de la Japan Expo tout d’abord puis par le biais de sessions beta axées sur les modes multijoueur en ligne. Pour mémoire la licence a soufflé en 2017 ses trente ans d’existence. Même si pour bon nombre de vieux briscards du Beat Them All, la franchise Street a pris toute sa dimension avec la sortie du second volet en 1991 en arcade et l’année d’après sur SNES. Street Fighter est sans conteste l’une des franchises emblématiques de la castagne en 2D. Capcom son coquin d’éditeur ne se prive jamais d’ailleurs de titiller notre fibre nostalgique quitte à l’user jusqu’à la corde par le biais de compilations souvenir… auxquelles on succombe coupablement. La chair est faible. Le cinquième volet sorti exclusivement sur PS4 et PC en 2016, passe enfin le relai à ce « sixième » épisode qui s’offre le luxe de sortir sur toutes les plateformes du marché… ou presque. Notez les guillemets. Si vous êtes un inconditionnel de longue date vous savez que chaque épisode a eu de nombreuses déclinaisons (Super, Ultra, Turbo, Prime, Champion…) qui ont apporté leurs lots de nouveaux persos et voire aussi de modes. À sa sortie, le cinquième Street n’a pas vraiment soulevé l’enthousiasme des foules de par un contenu un peu chiche qui laissait un méchant goût d’inachevé en travers de la gorge. Une sensation amère atténuée par une kyrielle de mises à jour qui ont permis au jeu de se bonifier, même si, le modèle économique (achats de persos supplémentaires, de décors) est toujours resté le talon d’Achille de ce jeu. Après un Street Fighter V rongé par l’avarice qui nous a laissé sur notre faim, ce sixième épisode va-t-il parvenir à rassasier les amateurs de castagne et surtout les nouveaux venus ?
La sortie de Street Fighter V ayant été – je ne vois pas d’autre terme – complètement bâclée, un fort sentiment d’inquiétude planait quant à ce sixième volet. Inutile de tourner davantage autour du pot, puisqu’en l’état Street Fighter 6 est un jeu bien plus complet dont le contenu vient combler nos plus folles espérances. Jouable en solitaire, le titre propose ainsi différents modes de jeux en plus de l’inévitable Arcade/Story, on peut aussi employer un avatar, afin de le faire participer à un mode World Tour. On reviendra bien évidemment plus longuement sur ces modes de jeu quelques lignes plus bas, en ajoutant que le titre dispose aussi d’un multijoueur en ligne au matchmaking proche de celui d’un Dragon Ball Fighter Z (si mes souvenirs sont bons). Avant de sauter dans l’enfer des parties online, attaquons par le mode Arcade. Ce dernier est contenu dans un onglet intitulé Fighting Ground qui regroupe la plupart des activités destinées à être pratiquées en solitaire. En sus du mode Arcade, on peut aussi revoir les bases du combat via l’entraînement et parfaire ses techniques par des tutos, guides et défis de combos. Bien pourvu en solo et évidemment en versus pour se taper sur le coin du pif sur le même écran lors de combats à remporter en un, deux ou cinq rounds gagnants. A deux c’est mieux ? Indéniablement ! Si vous n’avez pas de joueur à portée de main, vous pouvez lancer une partie en ligne depuis le mode Arcade et affronter un joueur aléatoirement en match classé, en amical voire participer à un tournoi. En solo, on peut découvrir l’histoire des dix-huit combattants à l’occasion de parties en mode story jouables contre cinq ou douze adversaires. A l’instar des précédents volets, notez que SF6 propose de varier les plaisirs avec deux types de stages bonus. Inspirés de ceux de Street Fighter III (3rd Strike), le premier est axé sur la démolition d’un poids lourd, le second s’inspire des lancers de ballon de basket de Sean (le brésilien) afin de perfectionner la maîtrise de la parade. Que ceux qui veulent s’abstenir de telles frivolités se rassurent, il est possible de remplacer ces stages bonus par des affrontements contre des adversaires. Notez qu’il est évidemment possible de “configurer” le solo à sa convenance on peut ainsi moduler la difficulté, régler le nombre de manches gagnantes, opter pour une maniabilité Classique ou Moderne. Ce dernier point a déjà été abordé lors de la preview du jeu mais on vous en reparle plus tard dans ce passage sur le grill.
En Arcade/ Histoire, ce mode s’attarde sur les motivations du perso sélectionné à rejoindre un énième tournoi et à s’embarquer dans un trip à travers le monde jusqu’à un affrontement final face… à un rival. Dommage le mode story ne semble pas proposer de confrontation dantesque face à un boss final digne de ce nom. Dans une future mise à jour (payante) / extension peut être ? Parmi les dix-huit castagneurs notez que l’on retrouve une douzaine “d’habitués” de la saga (en comptant Luke déboulé assez “récemment” dans Street V) et donc une demi-douzaine de persos inédits. En plus des inévitables Ryu, Ken, Chun-Li, Cammy, Zangief, Blanka, Guile, Dhalshim, DeeJay, Honda et Juri on retrouve trois persos qui semblent descendre en droite ligne de combattants absents du casting de ce sixième volet. Jamie l’adepte de la boxe de l’homme ivre est le frangin de Yin et Yang les jumeaux chinois qui ont fait leurs premières armes dans Street Fighter III. Ne vous fiez pas au faible gabarit de Lilly, la toute jeune amérindienne elle maîtrise l’art de la voltige de T-Hawk et fond sur son adversaire avec la rapidité d’un rapace. Quant à la célérité fulgurante et aux coups spéciaux de Kimberley, la shinobi afroaméricaine, ils semblent avoir été hérité de ceux de Guy, le “ninja” de Final Fight. Premier perso vraiment nouveau, Manon l’impressionnante “française de service”, utilise des techniques de combats assez singulières qui combinent le Judo à la danse classique. Second combattant inédit, Marisa est une lutteuse GrecoRomaine doublée d’une montagne de muscle surpuissante dont la force de frappe a vite fait de coller l’opposant dans les vapes. Dernier nouveau venu, JP est un mystérieux dandy aux faux airs de Christopher Lee qui combine une canne à des projections de psychopower pour corriger les importuns qui se mettent en travers de sa route. Avec ses dix-huit persos au compteur, Street Fighter VI fait un peu mieux que le cinquième volet qui n’affichait que seize personnages jouables. En vérité, on pourrait même considérer qu’il existe un autre combattant inédit, l’avatar que vous allez créer dans le World Tour !
Comme précisé en amont, le titre permet de personnaliser son avatar de pied en cap afin d’accomplir une foule de missions principales et quêtes annexes en parcourant MetroCity et le monde. Ce terrain de jeu inspiré de la ville de Final Fight, invite d’ailleurs à des phases de Beat Them Up contre – entre autres – les petites frappes du gang des MadGear qui sèment la terreur dans les différents quartiers. Le but de ce mode est de permettre à notre héros d’acquérir de nouvelles techniques de combats auprès de différents maîtres incarnés ici par les combattants de ce jeu. Si Luke prend d’abord l’avatar sous son aile, rien n’empêche de le doter du Spinning Bird Kick de Chun-Li, de la boule de Blanka ou de lui apprendre le Dragon Punch enflammé de Ken. Des boutiques disséminées à travers la ville et le monde permettent de customiser l’apparence du perso et à l’instar d’un RPG de renforcer certaines de ses caractéristiques. Mieux, il est possible de recycler de l’équipement pour renforcer d’autres pièces “d’armure”. Durant sa montée en niveau, notre avatar peut aussi gagner en puissance via un arbre des compétences qui met le joueur face à des dilemmes pour le moins cornéliens. Gare à ne pas vous aventurer trop vite vers des zones de haut niveau, sous peine d’encaisser des mandales surpuissantes en infligeant en contrepartie des attaques trop faiblardes. Heureusement, le journal de quête permet de garder le focus sur les missions en cours en indiquant l’objectif suivant à atteindre de jour… ou de nuit. A défaut de proposer un cycle diurne/nocturne au fil du temps qui passe, il faut se rendre à la planque et switcher entre matinée et soirée. Entre deux combats de rue, il faut aussi casser la croûte dans l’un des fast-food de la ville pour regagner de l’énergie. Le mode WorldTour permet de varier l’expérience Street Fighter et il regorge de références aux productions de Capcom. Ainsi on peut claquer ses deniers dans un shop ambulant semblable au camion du stage de Sodom de Street Fighter Alpha 2 ou se battre dans des décors inspirés des stages de Street Fighter et Final Fight. On croise d’ailleurs pas mal de PNJ vus dans la célèbre série de Beat Them Up (Carlos, Brock, Poison, Andor…) voire Street puisque l’on rencontre au fin fond de la jungle brésilienne la mère de Jimmy Blanka. Mi-musée pour les fans, mi-monde ouvert, le World Tour ne lorgne pas pour autant du côté du MMO puisque l’on ne croise pas d’autre joueur. Si crapahuter à travers MetroCity et affronter des ennemis enragés permet de passer le temps, on regrette un peu l’aspect trop générique de son monde ouvert. Ça paraît dingue vu l’expérience de Capcom sur des titres comme Monster Hunter Rise ou Dead Rising !
En parallèle des modes Story/Arcade et World Tour, Street Fighter VI permet aussi de rejoindre un lobby dédié aux confrontations en multijoueur le Battle Hub. Comme précisé un peu plus en amont de ce test, il me rappelle celui de Dragon Ball Fighter Z. Ainsi on déplace son perso customisé avec amour à travers un hall de rencontre dans lequel on retrouve les avatars des autres joueurs. Dans ce Battle Hub on peut tailler le bout de gras avec eux (en chat ou MP), consulter leurs profils, les affronter en combattant avec l’avatar dans le Battle Hub ou les défier sur des bornes d’arcade. Un matchmaking « visuel » pas déplaisant même si le jeu propose aussi de sélectionner son adversaire par le biais d’un sous menu. En plus des versus classiques pour le plaisir ou en match classé, Street Fighter 6 invite à passer le temps sur des bornes dotés de variantes de règles qui viennent pimenter les combats et même sur les versions arcade de Street Fighter II, Final Fight et Puzzle Fighter. Des classiques intemporels à rejouer pour le fun ou en mode « 1coin » pour figurer dans les sphères du classement en ligne.
Le contenu de base de ce Street Fighter 6 aurait pu suffire à combler de bonheur les joueurs. Surtout qu’il est possible de débloquer dans l’Emporium des mignardises comme des Illustrations, cinématiques et jeux rétro à pratiquer hors du Battle Hub. Cependant, fidèle à lui-même, Capcom n’a pas résisté à l’envie de monnayer les skins supplémentaires inspirées par celles des anciens jeux et ce dès le lancement du titre. De plus, les possesseurs de la version de base devront remettre la main à la poche pour s’offrir des combattants supplémentaires qui débouleront sur le Season Pass heureusement inclus avec la version Deluxe. Il y a des choses qui ne changeront jamais ! Ce verdict vous est livré après avoir passé un peu moins d’une vingtaine d’heures sur le jeu (y compris le multi en ligne) grâce à un code Xbox Series X fourni par Capcom. Un grand merci à lui !
Quelques lignes au-dessus on parlait de Street Fighter 2. Un monument du jeu de combat dont les fondamentaux ont servi de socle aux épisodes suivants, même à ce Street Fighter VI. Plus de trente ans après, la recette n’a pas changé. Il s’agit toujours d’un Beat Them All au gameplay en 2D (comprenez vu de profil) dans lequel on affronte une série de combattants venus de tous les horizons. Pour se défaire des adversaires, il faut employer des enchaînements constitués de coups (poing et pied), rapides ou puissants combinés à des coups spéciaux ! De base le titre se pratique avec six boutons dédiés aux coups faibles, moyens et puissants pour les pieds et les coups de poings. Avec ce sixième volet deux autres boutons ont été ajoutés, ou plutôt remplacent les touches 3x coups de poings ou pieds, l’un est dédié au Drive Impact et l’autre au Drive Parry. Si le dernier peut servir à parer un coup spécial ou un coup de base, le premier a pour effet de percer la garde d’un adversaire par un coup surpuissant. Gare à l’instar de l’attaque focus des épisodes passés le Drive Impact peut être contré par une choppe ou un Drive Impact exécuté par l’adversaire. Dans l’ensemble le jeu impressionne par la souplesse de sa maniabilité qui offre des enchaînements de coups naturels. Les amateurs de jongle seront aux anges. Le jeu récompense bien sûr ceux qui maîtrisent les techniques en infligeant à l’opposant des enchaînements punitifs qui vampirisent la jauge d’énergie. Spectaculaire et frustrant à la fois. Afin de simplifier la vie aux néophytes notez que Street Fighter VI propose une maniabilité modernisée. Elle utilise bien évidemment les 3 puissances de coup mais – à l’instar d’un Tatsunoko Vs Capcom – va décocher « automatiquement » selon la distance à laquelle se trouve l’opposant un coup de poing ou de pied. Ici les coups spéciaux ne se déclenchent pas par un enchaînement directionnel (ex bas, avant, diagonale bas avant plus poing) mais par l’appui d’une touche directionnelle combiné à la touche Y (sur Xbox) et sans doute triangle sur PlayStation. Une autre maniabilité appelée Dynamique est intégrée au mode Arcade/Story. On se contente de déplacer le perso et peu importe la touche d’attaque pressée, l’IA fait en sorte de caser une attaque, une choppe, un spécial ou un Drive Impact. Une façon sans doute pour Capcom d’intéresser une nouvelle génération de joueurs ou de permettre à ceux qui veulent juste plonger dans l’action de profiter l’expérience, sans avoir à potasser la façon d’exécuter les coups spéciaux. Au rayon de la simplification de l’exécution des attaques spéciales notez qu’il n’est plus nécessaire de marteler le bouton d’attaque poing ou pied pour exécuter les spéciaux de Blanka, Chun-Li ou Honda. Leurs attaques spéciales se déclenchent dorénavant après un quart de cercle (avant ou arrière) combiné à l’appui d’une touche coup de poing ou pied. Que ceux qui suivent la saga depuis des débuts se rassurent. Street Fighter VI est plus nerveux que jamais et ses duels ne se privent pas d’en mettre plein les yeux. Quelle insolence !
Exit l’Unreal Engine ! Capcom a basé sa nouvelle production sur le RE Engine. Le moteur graphique fait maison dont on ne se lasse jamais de chanter les louanges puisqu’il s’adapte aussi bien à la Switch, qu’aux machines HD et bécanes Ultra HD de la génération PS5/Xbox Series. Notez que s’il sort sur PS4 en revanche les possesseurs de Xbox One (S et X) sont encore privés de Street. Vraiment dommage pour eux ! Testé sur Xbox Series X, le jeu s’est évidemment montré parfaitement jouable en 4K, 1080P et fonctionne même avec un niveau de latence réduit à 120Hz : Un vrai tour de force ! Street Fighter 6 émerveille par la richesse de ses environnements et l’incroyable finesse des modélisations et animations des combattants (chiadée jusqu’aux mouvements de la tignasse) accompagnés d’effets graphiques époustouflants en VS. On se régale d’ailleurs devant le déluge d’effets visuels et mouvements de caméra engendrés par le Drive Impact ou l’Ultra Combo… pardon les Super Arts. En revanche en World Tour, le rendu graphique global semble baisser d’un bon cran pour animer une foule de PNJ à l’écran. De plus il inflige parfois de crapahuter à travers de vastes étendues d’artères désertiques à Métro City. Même les modélisations de nos fighters préférés en prennent un coup dans ce monde ouvert. Agaçant, heureusement l’intérêt de ce jeu réside avant tout dans ses confrontations « classiques » qui elles ne souffrent d’aucun reproche. Quoique. On regrette évidemment de ne pas entendre les reprises voire des remix des célèbres thèmes de la saga. À la place le jeu offre des thèmes originaux qui ont le mérite de coller aux confrontations survoltées. En français dans ses textes et menus, le jeu oblige en revanche à se contenter des excellents doublages en japonais voire en anglais. Ce n’est pas de sitôt que l’on risque d’entendre nos pugilistes se tirer la bourre dans la la langue de Molière. Diantre !