Dévoilé par Square Enix sous le nom de Project Athia à l’E3 2020, Forspoken est le premier jeu développé par l’équipe Luminous Productions à qui nous devons le moteur graphique utilisé sur Final Fantasy XV. Projet ambitieux s’il en est, Forspoken semble chercher sa voie.
Alors est-ce que Forspoken est le mauvais jeu qu’un grand nombre ont évoqué et critiqué ? Je ne le pense. Il n’est pas pour sûr pas la superproduction incontournable espérée par Square Enix (et par Sony qui l’a mis en avant avec une exclusivité probablement temporraire). Après les heures passées sur ce jeu, l’impression générale est un jeu correct qui souffre de diverses lacunes qu’on pourrait imputer soit à des erreurs de jeunesse ou à un manque de temps/finition.
Forspoken nous fait incarner une certaine Frey, jeune orpheline vivant à New York et survivant tant bien que mal avec de petits méfaits qui la conduisent devant la justice. La juge lui donne une dernière chance de sortir du cercle vicieux dans lequel elle s’est fourrée. Après avoir subi un incendie, elle se retrouve totalement démunie. C’est à ce moment là qu’elle tombe par hasard sur un drôle d’objet, un bracelet, qui la transporte dans un monde parallèle nommé Athia telle Alice tombant aux pays des merveilles. Sauf que cette merveille vit sous la menace d’un danger transformant les humains et la faune en de véritables monstres.
Vous l’aurez compris, l’action de Forspoken va se dérouler dans ce monde fantasy immense qu’il faudra explorer de fond en comble pour récupérer tous les pouvoirs et les objets. Il est toutefois nullement nécessaire de nettoyer la carte de toutes ses activités pour terminer l’histoire principale qui vous fera affronter des créatures mutantes et des personnages aux pouvoirs surnaturels. Heureusement pour Frey, vous aurez également accès à des pouvoirs toujours plus puissants au fur et à mesure que pour améliorez votre arbre de compétences. N’oublions pas évidemment les équipements assez basiques il est vrai pour un action/RPG avec uniquement des capes et des colliers qu’on peut améliorer avec des ressources spécifiques ainsi que des designs d’ongles – oui je sais ça tient de la fashion cette idée là mais fonctionne comme nombre de systèmes de runes dans d’autres jeux. Au fur et à mesure que vous allez progresser et terminer des activités vous pourrez gagner en capacités, en objets plus puissants et bien entendu en compétences. Sans trop vous en dire, vous gagnerez de nouveaux types de magie. A vous de basculer d’un type à un autre en fonction de vos ennemis ou du contexte.
Le coeur du jeu repose sur les capacités athlétiques décuplées de Frey et ses pouvoirs. Capable de se déplacer très vite, de surfer à la surface des plans d’eau et de se lancer dans des acrobaties spectaculaires – encore plus en progressant dans le jeu – Frey peut explorer avec rapidité et efficacité un monde immense. Athia m’a semblé ainsi bien plus vaste que le monde d’Elden Ring par exemple – sans pour autant avoir autant d’intérieurs. Au moment où j’écris ces lignes j’ai déjà terminé la campagne et je tente de débloquer toute la carte. Il doit me reste probablement 20% de la carte à faire. Autant vous dire que cela prend beaucoup de temps. Les fans d’exploration apprécieront. En tous les cas, j’ai aimé explorer Athia avec ce côté jeu de plateforme spectaculaire et la nécessité de bien maîtriser certaines compétences pour atteindre certaines zones – compétences qu’il faudra parfois débloquer. Pour celles et ceux qui aiment pas passer des heures juste à aller d’un bout de la carte à l’autre, il y a évidemment des points de téléportation sous la forme de refuge ainsi que des points d’observation pour « désenfumer » une région d’Athia et ainsi voir toutes les activités et épreuves disponibles. Les déplacements type parkour de Frey est l’un des points les plus funs du jeu. Même si elle semble basique de prime, après avoir gagné en compétences, on peut se lancer dans des déplacements particulièrement rapides et efficaces et toujours plus spectaculaires. On est très loin des déplacements bien trop souvent lourdauds et lents dans les jeux à monde ouvert nous obligeant à avoir des véhicules de toutes sortes.
Parlons des activités justement. Dans l’ensemble, elles ne sont pas d’une grande variété. Entre des coffres à ouvrir, des mutants à combattre, des villages à nettoyer, Forspoken propose aussi des sous-terrains offrant une succession de salles qu’il faut nettoyer de tout ennemi avant d’abattre un boss et looter. On a également des combats contre certains boss ou encore des défis qu’il faut compléter dans un temps imparti. Je regrette toutefois que les développeurs aient focalisé tout leur travail sur le monde extérieur d’Athia. Il n’y a en effet que peu de lieux en intérieur mis à part certains types de bâtiments et les labyrinthes. J’aurais aimé qu’on ait droit à des structures cachées à explorer, des cavernes, des sous-sols, etc.
On sent tout de même que les graphistes ont laissé libre court à leur imagination pour nous pondre le monde d’Athia. Monde fantasy traditionnel, on retrouve diverses régions chacune avec leur propre paysage, colorimétrie, végétation, etc. Atteindre de nouvelles zones est donc assez jouissif ne serais-ce que pour voir le travail des graphistes. J’ai retrouvé là le même plaisir que j’avais sur les Horizon Zero Dawn et Horizon Forbidden Forest d’explorer pour découvrir les environnements.
Techniquement, Forspoken est convaincant. Le monde d’Athia est donc vaste et offre un large panel d’environnements différents à explorer. Le rendu général est assez soigné même si, il faut bien l’avouer, parfois très inégale. Certaines zones sont vraiment réussies tandis que d’autres font assez basiques dans leur rendu. On a l’impression que les graphistes ont porté plus de soin par exemple aux décors naturels qu’aux décors artificiels comme les villages. Cela ne tue pas l’immersion mais c’est dommage qu’on n’ait pas une forte cohérence visuelle. Heureusement côté animations et effets, Luminous Productions a mis le paquet. Si vous aimez les effets de particules, vous allez en manger lors des combats. Il y en a parfois tellement que cela en devient parfois très fouillis à l’écran. Côté fluidité, je vous conseille grandement le mode performance qui reste le plus agréable avec un jeu visant le 60FPS. Les autres modes s’ils apportent un surplus de finesse et d’effets comme le ray tracing ne rendent pas vraiment le jeu beaucoup plus beau à mon goût surtout dans le feu de l’action.
Si je m’arrêtais là, on pourrait penser que Forspoken est un excellent titre. Malheureusement il souffre de ce que je qualifierai d’erreurs de jeunesse ou d’un manque de vision bien figée dans la tête de ses créateurs. Tout d’abord, on a la problématique d’un rythme très haché du jeu dans les premières heures qui peut agacer ou rebuter certain(e)s. L’intrigue met du temps à se mettre en place – c’est souvent le cas des JRPG et des action/RPG nippons malheureusement. On subit également une évolution hachée par des cinématiques entrecoupées par des pop-ups codex qu’on voudrait parfois ne pas avoir. Un simple système de notification d’ajout au codex aurait suffit. Pourquoi freezer l’action pour nous afficher le menu du codex ? Allez comprendre la décision des développeurs… Si un Elden Ring a fait dans le minimalisme, Forspoken a fait le contraire et en fait trop au point donc d’hacher le gameplay. Cela s’améliore après quelques heures de jeu mais une telle structure peut tout simplement faire abandonner certains joueurs. Je le soutiens depuis des décennies, il faut vraiment que les développeurs aient à l’esprit l’aspect rythme de progression à l’instar de ce que font les (bons) réalisateurs de cinéma.
L’autre point, le plus décrié, concerne l’écriture de Forspoken. Beaucoup l’ont trouvé mal écrit avec des dialogues qui feront sans doute tiquer certains. D’une, le bracelet nommé Krav est vraiment bavard. Cela implique des échanges entre Frey et Krav assez nombreuses et pas toujours d’un grand intérêt. Par ailleurs, on ne peut pas dire que le langage de Frey soit particulièrement châtié. Autant vous le dire de suite, on peine à aimer le personnage de Frey. Sa personnalité forgée par la rue en font une héroïne particulièrement aigrie qui en veut au monde entier. C’est tout à l’honneur de Luminous Productions d’avoir tenté une personnage aussi peu « aimable ». mais il aura fallu mieux doser. Là encore, il faudra plusieurs heures de jeu pour voir sa personnalité petit à petit être impactée par les évènements et la voir sous de meilleures dispositions et embrasser vraiment son rôle dans le monde d’Athia.
On peut donc résumer la problématique de Forspoken en une seule phrase : Pour pleinement profiter du jeu tenez les premières heures du jeu et vous découvrirez un action/RPG somme toute assez fun qui offre de belles perspectives pour une suite. De là à ce que Square Enix donne son feu vert à la dite suite…