L’annonce a été faite via un post laconique sur le blog officiel. Stadia va bel et bien fermer ses portes malgré les récentes déclarations indiquant le contraire. Une page du cloud gaming se tourne… pour Google.
Les rumeurs évoquaient cette fermeture depuis des semaines mais Google continuait à clamer haut et fort qu’ils allaient continuer ce projet lancé il y a trois ans. L’annonce d’aujourd’hui ne fait que confirmer ce que beaucoup de gens de l’industrie mais aussi de gamers pensaient à savoir que Google Stadia était probablement un échec et un service intenable sur la durée dans sa forme actuelle.
Google annonce donc la fermeture Stadia, son service de cloud gaming, lancé en 2019 et qui permettait de jouer via le cloud à des jeux du niveau grosso modo des PS5 et XSX/S avant l’heure. Les cyniques et parfois les clairvoyants diront que c’était un peu couru d’avance vu le business plan initial à savoir de proposer en gros une machine virtuelle couplée à un store permettant à quiconque de jouer en streaming mais en achetant les jeux au prix fort. Ce business plan allait donc à l’encontre dirons-nous du bon sens et de l’approche non seulement de l’industrie du jeu vidéo mais aussi du cinéma.
En effet, que ce soit les Netflix, Amazon Prime Video, Disney Plus et autres, le principe des services de streaming vidéo est de proposer un accès illimité à une bibliothèque de films et séries moyennant un abonnement mensuel. De même, côté jeu vidéo, Sony avec son PlayStation Now (désormais PlayStation Plus Extra/Premium) puis Microsoft avec son Xbox Cloud proposaient une large bibliothèque de jeux accessibles via cloud (et/ou en téléchargement pour certains) moyennant un abonnement mensuel. Ce business plan est plus cohérent avec les usages. De ce fait, ce que Google a voulu faire avec Stadia n’avait guère de sens. C’est d’ailleurs à rapprocher d’une certaine manière à ce que propose Nvidia avec son GeForce Now qui permet aux joueurs PC de streamer des jeux PC depuis les serveurs Nvidia, jeux que vous aurez préalablement acheté sur des stores comme Steam par exemple.
De plus, en raison de la plateforme développée par Google, il fallait aux éditeurs et développeurs préparer une version spécifique Stadia. Et c’est sans doute sur ce point que Google a véritablement peiné. Comment convaincre les développeurs petits et grands de développer une version spécifique – même si technologiquement proche des versions PC, PS5 ou XSX/S – pour tenter de les vendre au prix standard sachant que cela requiert des ressources que beaucoup n’ont pas ou que d’autres ne veulent pas attribuer? Avec un retour sur investissement est limité ou aléatoire, Stadia aura eu du mal à convaincre un nombre de partenaires suffisant malgré une technologie somme toute désormais au point – après des débuts un peu chaotiques.
Or, ne pas réussir à convaincre un maximum d’éditeurs et de développeurs c’est avoir une logithèque plus limitée. Or, comme sur consoles, le nerf de la guerre est la logithèque proposée. Sur ce point, il aura manqué à Stadia énormément de superproductions pour attirer le chaland, de nombreux éditeurs et développeurs manquant à l’appel. En comparaison, ce que proposent Sony avec son PlayStation Plus Extra/Premium et Microsoft avec son Xbox Game Pass est d’un rapport qualité/quantité/prix nettement plus intéressant même s’il faut débourser le prix d’une console dès le départ.
Je n’oublie pas un fait très simple. Jouer via le cloud nécessite un accès internet vraiment rapide, fibre principalement. Et dans de nombreux territoires y compris en France, cela n’est pas forcément accessible à tous. Résultat, le marché est forcément plus restreint. Sans parler de la fraction du public qui aime encore « posséder » physiquement les jeux 😉
Même si, à titre personnel, j’espérais que Google réussisse, le géant américain aurait fait comme à son habitude : tuer un projet sans doute trop tôt. Et c’est sans doute cela le plus rageant pour les fans du service – oui, oui il y en a 😉
La petite lueur d’espoir indirecte pour les gamers que nous sommes c’est que la technologie Stadia sera probablement utilisée et/ou décliné sur d’autres usages et d’autres services du groupe. Les équipes de Stadia voient ainsi des opportunités à utiliser la technologie dans d’autres services comme Youtube, Google Play ou l’AR. Il est aussi évoqué, comme présumé par beaucoup d’observateurs, que la technologie Stadia pourrait être proposé à des partenaires industriels sous la forme de marque blanche probablement. On peut ainsi imaginer des services de cloud gaming proposés par des géants des télécommunications avec la technologie Stadia. Il y a probablement bien d’autres possibilités encore à imaginer si et seulement si Google maintient des ingénieurs pour améliorer, adapter ou développer de nouvelles fonctionnalités – dont certaines annoncées il y a longtemps et jamais déployées. Sur ce point, Phil Harrison, le patron de Stadia, confirme l’engagement de ses équipes à investir dans de nouveaux outils, technologies et plateformes. Comprendra qui peut ce que cela implique dans la réalité du business avec les éditeurs, les développeurs et d’autres partenaires industriels 😉
Le cloud gaming n’en est encore à ses balbutiements et malgré cette fermeture, d’autres vont y venir notamment Amazon avec son service Amazon Luna lancé aux USA mais pas encore chez nous. A voir maintenant si Amazon va apprendre de l’échec de Stadia pour ne pas commettre les mêmes erreurs.
Que va-t-il se passer pour les fans Stadia ?
Histoire de ne pas se mettre tous ses clients à dos, Google a tout de même annoncé des remboursements et donné quelques détails sur la suite des évènements dans les prochains mois :
- Les abonnés auront toujours accès à leur bibliothèque de jeux jusqu’au 18 janvier 2023 afin de terminer vos jeux et éventuellement de transvaser vos sauvegardes sur d’autres plateformes lorsque c’est possible (ex : Destiny 2).
- Toutes les fonctions de commerce (achat de jeux/add-ons/contenus in-game, nouveaux abonnements, etc.) ont été définitivement désactivé dès à présent.
- Google va proposer un remboursement de tout le matériel Stadia que vous auriez pu acheter via le Google Store (Stadia Controller, Stadia Founder’s Edition, Stadia Premiere Edition, etc.) mais aussi tous les jeux et les microtransactions faites via le Stadia Store.
- Le processus de remboursement va prendre quelques temps et devrait se terminer vers la mi-janvier 2023. Google demande donc aux personnes concernés de laisser le temps aux équipes de Stadia de travailler sur les remboursements et de ne contacter Stadia qu’à partir de la mi-janvier s’ils constatent ne pas avoir été remboursé dûment.
- A noter toutefois que les abonnements Stadia Pro passés ne sont remboursables. Si vous êtes encore abonné, vous pourrez évidemment utiliser le service jusqu’à sa fermeture définitive en janvier prochain.