Soyons clairs. La conférence a forcément déçu les gamers. Pourquoi ? Contrairement à tous les espoirs, y compris les miens, ce livestream était vraiment plutôt destiné aux développeurs et initialement prévu pour la GDC annulée pour cause de Covid-19. C’était donc pas très digeste mais je vais tâcher de faire un point sur ce qu’il faut en retenir.
Mark Cerny, architecte en chef de la PS5 (et de la PS4 également), s’est lancé dans une présentation très technique de certains aspects de la PS5 qui, autant vous le dire de suite ne parleront clairement pas au gamer lambda. Toutefois, ces informations peuvent donner certaines indications et une logique qui impacteront plus ou moins vos futures parties.
Un SSD à l’architecture inédite et ultra-rapide
Le premier point sur lequel s’est focalisé Mark Cerny concerne le fameux SSD. On le savait depuis plus d’un an que la PS5 – comme la Xbox Series X – aurait un SSD. On apprend via Cerny que le SSD de la PS5 sera d’une capacité de 825Go (1To sur la XSX). Toutefois, son fonctionnement et le travail de Sony sur son contrôleur et l’optimisation de la gestion des entrées/sorties et des bus font de ce SSD un cas à part. En effet, le constructeur annonce tout simplement un débit de 5,5Go/seconde (8 à 9Go/seconde en compressé) ce qui est tout simplement colossal. En comparaison, un disque dur traditionnel tourne dans les 100Mo/s, un disque dur SSD via un port USB 3.0 tourne dans les 400 Mo/s et même un disque dur SSD via Thunderbolt 3 tourne au mieux dans les 2,5Go/s. Comme sur la XSX, Sony utilise le PCIe 4.0 qu’on voit encore peu dans le monde PC (et pas du tout dans le monde Mac). Sans entrer dans tous les détails techniques, il ne s’agit pas d’un simple SSD mais d’un SSD soudé sur la carte mère avec une architecture totalement optimisée. Ce SSD ne peut être comparé à ce qu’on connaît à l’heure actuelle sur les ordinateurs ni sur la Xbox Series X. Atteindre un tel débit nécessitera du matériel encore non existant ou en très faible quantité actuellement dans le monde micro.
Sur ce point donc, Sony a opté pour une optimisation grâce à divers composants réduisant au maximum les goulots d’étranglement alors que Microsoft semble avoir un usage plus traditionnel du SSD puisque le constructeur de Redmond annonce 2,5Go/s de débit (4,8Go/s en compressé). Toutefois, sans avoir le détail précis des deux constructeurs il est difficile de juger si leurs chiffres sont comparables. Cela sera donc à voir à l’usage sur des productions.
Avec une telle vitesse, le SSD pourrait quasiment être utilisé comme une sorte de RAM disk – les anciens de l’Amiga vont verser une larme ^_^ – ou une partie de la mémoire où le jeu va chercher les données quand nécessaire en plus de ce qu’il a déjà à sa disposition dans la RAM – annoncée d’ailleurs à 16Go GDDR6 comme la XSX.
Concernant la taille du SSD de 825Go donc, Cerny la justifie par le rapport entre le coût, l’étude fait par le constructeur sur les usages et les temps de copie ou de retéléchargement de jeux nécessaires. Selon Sony, cette taille de SSD est un bon compromis. Et pour compenser encore cela, Sony a opté pour un nouvel système de compression des données, Kraken, afin de gagner 10% d’espace par rapport au système zlib actuellement utilisé sur la PS4. Donc 10% de plus de données possibles sur le disque Blu-Ray du jeu ou sur le SSD.
Evidemment qui dit compression dit décompression. Si vous utilisez un ordinateur, vous savez déjà que cela prend du temps. Pour contrer ce problème qui pourrait être encore un goulot d’étranglement dans le transfert des données, Sony a intégré à la PS5 un processeur spécifiquement dédié à la décompression de données compressées avec Kraken. Résultat, il peut décompresser un fichier de 5Go en une seconde pour un résultat de fichier final entre 8-9Go. Ce processeur est capable d’aller jusqu’à décompresser 22Go/seconde si les données sont particulièrement bien compressées d’où un gain de place conséquent pour un impact sur l’utilisateur minime. Nombre de co-processeurs ont été intégré dans l’architecture de la PS5 pour soulager le CPU principal qui peut alors se focaliser uniquement sur le jeu. Le résultat possible – à voir au final – est donc une PS5 très capable même si sur le papier, elle semble inférieure à la XSX.
Le résultat de tout ce travail est d’avoir quasiment aucun temps de chargement ou de permettre aux jeux d’accéder à des données de manière ultra-rapide. Comme indiqué précédemment, les créateurs pourraient avoir des mondes encore plus riches puisque la console pourrait aller chercher les données en quasi-temps réel et donc de manière invisible pour le joueur. Fini alors le principe de streaming des données ayant des ramifications sur le game design. Ne vous êtes jamais demandé pourquoi dans certains jeux, on devait se coltiner de longs couloirs ou des parcours où il se passe rien de spécial? :p
Pour ceux qui voudraient étendre la capacité de stockage interne, Sony a prévu un emplacement pour des SSD type M2 que les utilisateurs pourront ajouter pour profiter pleinement des capacités du SSD et étendre la capacité générale de la machine. Sony indique cependant qu’il faudra certains modèles répondant à un cahier des charges dont la connectique PCIe 4.0 encore peu disponible actuellement. Les SSD M2 actuels souvent PCI 3.0 ne peuvent soutenir la vitesse du SSD interne. Ils plafonnent à 3.5Go/s alors que le SSD interne tape à 5,5Go/s.
Autant dire que vous pouvez vous attendre à des annonces de constructeurs de SSD M2 indiquant la compatibilité où non avec la PS5 dès la sortie de la console. En effet, outre la connectique PCI 4.0, l’épaisseur des SSD M2 dépend souvent des constructeurs, de la présence ou non de système de refroidissement intégré, etc. A l’heure actuelle, un SSD M2 de 1To coûte encore une bonne centaine d’euros. On peut espérer que les prix vont baisser dans les mois et années à venir. Microsoft, de son côté, a opté pour des SSD propriétaires actuellement en préparation par Seagate. Il faudra voir à quel tarif ces extensions vont tomber.
La PS5 aura tout de même au moins un port USB 3.0 pour relier des disques durs traditionnels. Dans le scénario indiqué par Mark Cerny, les joueurs pourraient ainsi avoir leurs jeux PS4 sur un disque dur traditionnel en externe et avoir les mêmes temps de chargement qu’à l’heure actuelle ou alors copier le jeu PS4 sur le SSD interne pour gagner en vitesse. Toutefois, ces jeux ne se chargeront jamais aussi vite que les titres PS5 spécifiquement étudiés pour car ne tapant pas dans certains aspects techniques de la nouvelle machine. Est-ce que cela sous-entend qu’on pourrait juste brancher notre disque dur PS4 actuel pour immédiatement jouer aux jeux sur la PS5? Cela n’a pas été précisé.
Puisqu’on est à parler de PS4, Cerny reconfirme que la PS5 sera bel et bien rétrocompatible. La rétrocompatibilité devrait être bonne. Sony indique ainsi que quasiment tous les titres du Top 100 de la PS4 tournent sur PS5 sans aucune intervention de la part des éditeurs. Il se peut toutefois qu’il y ait des cas particuliers. A voir si les développeurs voudront ou pourront travailler sur un patch.
Une approche inédite pour le GPU
Le GPU est confirmé comme étant une version customisée basée sur l’architecture RDNA 2 d’AMD. Ce GPU comprendra 36 CU (compute unit). Avec une nouvelle architecture et approche de la part de Sony, le GPU de la PS5 tournera à une fréquence variable. Sony a préféré fixer la consommation et donc l’impact thermique et caler de manière intelligente le fonctionnement du GPU et du CPU. Ainsi le GPU pourra tourner au maximum à 2.23Ghz (à comparer par exemple au 1.83GHz de la XSX) et le CPU à 3,5GHz (3.8GHz de la XSX). Evidemment avec une telle approche qui fera penser au boost mode des CPU/GPU sur les ordinateurs, on peut s’attendre à des baisses de la fréquence pouvant potentiellement impacter la performance dans les jeux. Cerny indique toutefois que l’impact devrait être mineure de quelques pourcents uniquement sur la fréquence. Ce GPU comprend également d’autres fonctionnalités qui pourraient aider à l’optimisation comme le Geometry Engine. Ce dernier donne énormément de contrôle aux développeurs pour gérer les géométries des objets 3D pour des optimisations. L’exemple le plus facile à comprendre est de faire en sorte que le GPU n’ait pas à calculer et afficher des faces d’un objet non visibles à l’écran pour le joueur. Pourquoi faire les calculs et afficher le visage du héros si on le voit toujours de dos par exemple. Au final, aux développeurs de gérer ces petites variations possibles de manière intelligente pour que cela reste transparent pour l’utilisateur. Il va falloir attendre de voir ce que les développeurs pourront faire et comment ils pourront optimiser cela. L’approche étant totalement différente de celle de Microsoft, il va falloir attendre les jeux pour voir qui a pris la bonne voie. Sony a privilégié la fluidité de la circulation des données et la bande passante plutôt que la puissance et la vitesse pure comme Microsoft sur sa Xbox Series X. Sony a intégré aussi la technologie SmartShift d’AMD qui permet d’allouer de la puissance non utilisée du CPU au GPU et vice-versa.
Sony tente de généraliser le son 3D
Le dernier point sur lequel s’est focalisé Mark Cerny est le son. La PS5 est capable de gérer un son 3D grâce à la technologie Tempest 3D AudioTech. Entre un CU AMD modifié spécifique à cet usage et des algorithmes maison, cette technologie pourra proposer un environnement sonore 3D qui va bien au-delà de ce qu’on connaît avec les sources surround actuelles comme Dolby Atmos ou encore le virtual surround. L’implémentation de cette technologie est déjà bien avancée pour les casques audio car plus facile puisqu’il y a un contrôle important sur les écouteurs et leur disposition. Appliquer la même technologie pour les enceintes d’une TV ou d’un home cinéma nécessitera plus de travail. La 3D Audio va évoluer et s’améliorer avec le temps car son efficacité dépend de chaque utilisateur et de chaque appareil. Pour le lancement, Sony proposera 5 profils de base. L’idéal serait d’avoir un profil totalement personnalisé mais les solutions ne semblent pas encore exister ou encore peu accessibles à tous. Bref, il faudra voir en réel pour se rendre compte de l’impact du son 3D dans les jeux.
A en juger par tous les aspects évoqués par Mark Cerny, on peut supposer que la PS5 pourrait bien coûter moins cher que la Xbox Series X. Cela aurait alors un impact sur les ventes. Cela ne veut toutefois pas dire qu’elle ne sera pas chère compte tenu de toute la technologie intégrée.
En résumé, cette conférence très technique n’était clairement pas destiné à vous les gamers. Mais on pouvait toutefois y apprendre quelques détails et estimer les résultantes possibles. Il va falloir attendre une prochaine conférence/livestream pour avoir des informations plus digestes pour le gamer final comme des démos techniques ou de jeux, le look de la console, du pad, et diverses fonctionnalités non encore dévoilées. Il faudra sans doute attendre juin prochain pour avoir plus de détails intéressant les gamers.
Un grand merci à Douglas Alves pour son aide sur cet article 😉