Créationnistes pour qui la Terre est plate, passez votre chemin ! L’heure est venue de retourner à la case départ afin de mettre en pratique les théories de Charles Darwin sur l’évolution de l’espèce humaine… enfin si vous faites suffisamment preuve de patience. Car c’est une péripétie de longue haleine semée de (trop) nombreuses embûches qui vous attend !
Pour leur première production, les québécois du studio Panache Digital Games ne se sont pas acoquinés avec un constructeur particulier (comme Sony, Microsoft ou Nintendo) pour sortir en exclusivité Ancestors The Humankind Odyssey sur une console. Si le jeu sort sur nos PC, c’est – hélas – en revanche par le biais de la plateforme d’Epic Games en attendant une parution sur Steam l’an prochain. Les aficionados du store de Valve vont devoir poireauter encore un petit peu. Pourquoi s’enthousiasmer de l’arrivée d’Ancestors Humankind Odyssey ? Il s’agit tout simplement du nouveau jeu de Patrick Désilets, le génial co-créateur de la franchise Assassin’s Creed, qu’il a abandonné après l’opus Brotherhood. Pas étonnant que le premier titre du studio soit un jeu d’action mâtiné d’exploration à la troisième personne… où il est à nouveau question de mémoire génétique et aussi – cette fois – d’évolution. Oubliées les péripéties des assassins et des templiers, on efface tout et on recommence à zéro !
“Allez bande de macaques, si vous avez envie de vivre battez-vous ! » . Quoi de mieux qu’une citation issue de l’excellent Starship Troopers pour résumer ce test… enfin cette preview ou plutôt ce premier verdict. Disons qu’à l’heure actuelle la peinture semble être encore trop fraîche pour juger objectivement de l’expérience offerte par Ancestors. Le titre nous catapulte en Afrique, le berceau de l’humanité, dix millions d’années avant notre ère dans la peau d’un petit primate tout traumatisé par l’horrible vision de son géniteur dévoré par un immense rapace préhistorique. Notre première mission consiste à regagner l’abri du clan niché dans une cascade. Une fois que l’on a retrouvé ses congénères, après une courte escapade à travers la jungle équatoriale, la longue épopée – d’une cinquantaine d’heures selon ses créateurs – peut enfin commencer. Faute de scénario et interface minimaliste oblige, on part à la découverte d’un monde ouvert à la végétation luxuriante aux faux airs de nouvel éden sans but vraiment précis, à part celui de survivre, de rameuter des hominidés égarés, de proliférer et d’évoluer plus vite que nos très lointains ancêtres. Il s’agit par exemple de “façonner” une brindille afin de glaner du miel dans une ruche, de découvrir les bienfaits médicinaux de certaines plantes ou fruits, d’adopter un régime omnivore avant l’heure. Bien plus qu’une question d’évolution, il faut survivre en se nourrissant, en s’hydratant à un point d’eau et en dormant de manière régulière. Un peu comme un Sims poilu dont on contrôlerait directement la destinée. Les semblables de notre clan ont beau “singer” nos actions lorsqu’ils sont à proximité de nous (partageant nos découvertes et expérimentations alimentaires), ils peuvent aussi se laisser dépérir lorsque l’on quitte le campement un peu trop longtemps en leur ayant ordonné auparavant de se réfugier dans un arbre. S’ils savent obéir aux ordres, on regrette qu’ils ne fassent pas forcément preuve d’assez d’initiatives notamment en cas de danger.
S’il est assez grisant de se livrer à de la grimpette aux arbres ou aux parois rocheuses, à de la cueillette en altitude, évoluer de branche en branche dans la canopée devient une nécessité pour échapper aux (trop) nombreuses espèces de prédateurs ou animaux hostiles qui pullulent au sol. Ces bestioles sauvages (fauves aux dents acérées, serpents, pythons, scolopendres géants, crocodiles, hippopotames…) aiment à surgir hors de l’épaisse végétation ou des eaux afin d’attaquer notre hominidé par surprise. Pire, elles reviennent persécuter régulièrement le primate ou son clan dans son campement. Face à ses créatures, s’il est possible de prendre la poudre d’escampette avant qu’elles nous sautent dessus, on peut aussi esquiver leurs attaques ou les affronter… à condition d’être armé d’une branche d’arbre. Une arme rudimentaire qui nécessite de s’y reprendre à plusieurs reprises (quatre fois de mémoire) pour occire un félin enragé. Même en étant armé difficile de ne pas engager la confrontation avec la peur au ventre. Le système de combat se veut simple et intuitif, pourtant dans la pratique on peine à contre-attaquer à coup sûr sans se prendre au passage un méchant coup de griffe. Lors des confrontations on peut se retrouver pénalisé par une plaie hémorragique, des os brisés qui plombent l’agilité ou on risque aussi l’empoisonnement causé par le venin. Afin de regagner en vigueur on peut dénicher dans la nature une flopée d’herbes médicinales qui permettent de guérir des maux ou de se protéger des coups de froids. Par exemple contre les saignements abondants provoqués par les combats, il faut s’aventurer dans la cime des arbres afin de chercher un fruit de Kapok assez rare avec lequel on va frictionner les plaies. En scrutant les alentours grâce à un mode de vision on peut dénicher les objets utiles dans l’environnement (herbes, cailloux, fruits…) ou trouver des congénères perdus. Nos primates peuvent aussi employer d’autres sens comme l’odorat ou l’ouïe pour retrouver la trace de leurs semblables ou d’ennemis tapis dans la végétation. Mieux vaut recourir à ces deux sens quand tout semble un peu trop calme de prime abord, avant de poser le moindre petit bout d’orteil au sol. S’il faut composer avec pas mal de bestioles aux intentions belliqueuses, notez que ce nouvel Eden ne regorge pas que d’aliments comestibles en abondance. Méfiance l’ingestion de certaines baies ou champignons toxiques occasionnent momentanément une vision assez psychédélique… peu jouable et franchement stressant lorsqu’on se traîne déjà un prédateur à nos fesses velues.
Pour se débarrasser des gêneurs, il ne faut d’ailleurs pas hésiter à ruser, comme en menant un prédateur vers un autre. Ainsi en guidant un énorme python vers le territoire d’une panthère préhistorique ou le domaine d’une famille de cochons sauvages, le serpent aura vite fait de se débarrasser des gêneurs. Ah les joies de la chaîne alimentaire ! Gare à ne pas laisser crever tous les congénères de votre clan sous peine de devoir recommencer la partie à la dernière sauvegarde, dans la peau d’un macaque solitaire en sursis. La mort des membres de votre clan pénalise aussi l’avancée des bonds vers l’avenir. Lorsque vous avez cumulé suffisamment de prouesses d’évolutions, vous pouvez faire une avance rapide vers le futur plus ou moins importante selon le nombre de primates disparus. Loin de se limiter à une simple évolution des hominidés, on découvre aussi que le terrain de jeu a radicalement changé. Avec ce changement d’époque, la végétation luxuriante fait place à une végétation plus clairsemée et la grotte qui servait de refuge a été remplacée par un “campement” situé aussi à proximité d’une chute ou d’un modeste plan d’eau. Si la suite de l’expérience s’en retrouve changée, on aurait aimé un système de combat plus intuitif (donc plus bourrin) et aussi une maniabilité moins lourdingue. Qu’ils sont pénibles à contrôler ces maudits hominidés notamment lorsqu’ils crapahutent sur les troncs ou les branches des arbres avec une majestuosité relativement pataude digne d’un 33tonnes dans la gadoue ! Ajoutons aussi que l’IA obéit à un comportement scripté mais qu’il lui arrive parfois de dérailler. Il est assez frustrant de voir un phacochère enragé débouler dans votre camp – situé sur une presqu’île – et ce après avoir traversé les eaux tumultueuses d’une cascade. Incapable d’en ressortir, le cochon sauvage décime alors tout le clan tandis qu’à quelques centaines de mètres de là on expérimente les effets hallucinogènes d’un “champlard”. Et bien sûr, comme dit plus haut, à chaque mort de vos congénères la “progression” est scrupuleusement consignée. Dans ces conditions, il est vraiment rageant de ne pas disposer de slots de sauvegardes personnalisés pour mieux guider la destinée de sa bande de macaques !
Comme souvent achevons ce tour du propriétaire en abordant la réalisation du jeu. Techniquement, Ancestors The Humankind Odyssey tourne relativement bien en 1080P, tous détails à fond, sur une bécane équipée d’un antédiluvien Intel Core i5 2500 épaulé par 16Go de RAM et une modeste GTX 1060. Le jeu carbure à la dernière mouture de l’Unreal Engine et satisfait aux exigences du cahier des charges d’une production moderne, de par la complexité de ses environnements et de par ses jolis effets de lumière. Étonnamment il ne s’accapare pourtant que 8 petits Go d’espace sur le disque dur. Malgré cet appétit de moineau le titre inflige des temps d’attente assez longs à chaque chargement de sauvegarde de ce monde “persistant” à l’écosystème assez complexe. Pour clore ce rapide passage en revue de la réalisation graphique, le titre offre des modélisations de bestioles “préhistoriques” plutôt soignées, dommage que leur comportement et animations échappent parfois aux lois de la logique/physique. Côté sons et ambiances, le titre offre des musiques aux sonorités tribales assez entraînantes ainsi que des effets sonores bigrement immersifs. Enfin même s’il se traîne un titre en anglais notez que le jeu dispose de texte et sous-titres en français. Une expérience à travers l’histoire de l’humanité qui n’est pas réservée aux seuls anglophiles !