Nintendo organise trois jours complets dans un des grands salons du Grand Palais à Paris pour montrer son nouveau bébé, la Nintendo Switch, aux médias ainsi qu’à des fans sélectionnés. Je me focalise sur la console dans cet article. On reviendra plus précisément sur les jeux dans d’autres articles.
Une console soignée
D’un point de vue hardware, la Nintendo Switch est à peu près de la même taille que le GamePad de la WiiU. Elle est par contre assez lourde comparé toujours au GamePad ou même aux premiers iPad. Ce n’est pas forcément une bonne chose en mobilité. Son design général et sa qualité de fabrication sont nettement meilleurs à la Wii U et son côté Fisher Price. Même si on n’atteint pas la qualité que peut proposer un Apple ou un Sony pour les produits hi-tech, Nintendo n’a cette fois-ci pas trop fait dans le plastique bas de gamme de jouet.
Les deux morceaux du Joy-Con offrent une surface plutôt agréable au toucher. La prise en main est par contre un défaut pour qui a des mains d’une certaine taille – en gros tout adulte. En effet, c’est assez petit y compris lorsqu’on utilise les Joy-Con sur son support qui propose alors une forme plus classique de pad. Les deux sticks m’ont fait penser à ce qu’on a sur un PS Vita par exemple. L’impact de la taille sur le confort est encore plus flagrant si on joue avec un seul Joy-Con. Je me vois personnellement pas passer des dizaines de minutes à jouer comme cela sans avoir de crampes. Bref, mobilité oblige, on a donc droit à un système de contrôle de taille réduite au confort de jeu plus limité. Pour les gros joueurs, acheter le pad pro sera sans doute un passage obligé et le portefeuille va encore trinquer. Le fameux Rumble HD, le système de vibration intégré, fonctionne plutôt pas mal mais je n’ai pas trop compris ce qu’il avait de HD ou d’extraordinaire. Encore un terme marketing pompeux pour au final des sensations qui m’ont fait penser au Taptic Engine des iPhone. Les trois couleurs étaient présentés lors de l’évènement, l’anthracite standard et les versions bleues et rouges. Votre choix dépendra de vos goûts.
L’écran est de bonne facture. Il faudra juger de sa lisibilité en extérieur puisque la présentation se faisait en intérieur. D’une diagonale de 6.2″, la taille est acceptable pour peu qu’on y joue seul dessus. En comparaison, un iPad Mini à un écran de 7.9″ et un iPad normal de 9.7″. Bref, l’écran de la Switch est plus proche des phablettes dont certains atteignent désormais les 6″ (même 7″ mais ça devient ridicule à ce niveau :p) que d’une tablette confortable. Si vous placez la Nintendo Switch en mode tablette et jouez à deux dessus c’est vraiment, à mon avis, trop petit et là encore le confort de jeu perd des points. C’est un mode dont l’utilisation sera à mon avis très limité d’autant plus que jouer avec un Joy-Con microscopique pour un adulte c’est des crampes assurés. Avec une résolution de 720p, c’est plutôt fin même si on est bien loin de la résolution qu’on a désormais sur nos smartphones et tablettes dépassant souvent le 1080p. Petit détail cocasse qui montre à quel point Nintendo semble sur la défensive. Si aucun détail technique n’a été donné, le constructeur a ainsi pointé le fait que l’écran soit capacitif terme qu’on n’utilise quasiment plus depuis l’avènement du premier iPhone il y a… 10 ans puisque tout le monde ne fait plus que du capacitif. La raison est évidemment de vouloir démarquer l’écran de la Switch de la médiocrité de celui du GamePad de la Wii U qui était vraiment à la ramasse par rapport à ce qui se faisait dans le monde mobile.
Côté l’autonomie, Nintendo annonce entre 3 à 6 heures de jeu. Il faudra voir à l’usage réel mais je pense qu’on va plutôt être plus près des 3 heures que des 6 heures. Certains pronostiquent même sous les 3 heures.
Comme vous le savez déjà, la Switch possède également un dock. Ce dernier permet non seulement de charger la console mais également de jouer sur son téléviseur en le reliant avec un câble HDMI. Il offre toutefois un avantage qu’utiliseront certains si ce n’est tous les jeux. En effet, non limité par l’autonomie et la batterie, la console fonctionnera dans un mode plus puissante permettant ainsi de jouer en 1080p plutôt qu’en 720p sur l’écran en mobilité.
Un concept pas si innovant que cela
On vous en avait déjà parlé en octobre dernier lors de la première annonce. La Switch peut être joué selon trois modes. Enfiché sur le dock connecté à une TV, c’est une console de salon somme toute classique. En mode tablette, on peut le poser sur toute surface horizontale grâce à un pied escamotable à l’arrière de la machine. Il est ainsi possible de jouer avec les deux Joy-Con à la main sans tenir la console. Il est aussi possible de jouer à deux chacun avec un Joy-Con. Et enfin le dernier mode est le mode portable complètement avec les deux Joy-Con clipsé de part et d’autre de l’écran. Quelque soit le mode, il est en fait déjà possible d’avoir cela avec un smartphone ou une tablette. Tous sont reliables en filaire ou même en sans fil parfois à un téléviseur. Tous sont compatibles avec des pads Bluetooth et de plus en plus de jeux en tiennent compte. Même le fait de placer de part et d’autre de l’écran les contrôles existent depuis un bon moment sur smartphones et tablettes via des accessoiristes. Bref, rien de ce que propose n’a pas déjà été fait par le monde mobile.
Ok, j’admets que Nintendo apporte quelques nouveautés surtout sur le contrôle avec les Joy-Con comme leur système de vibration, la possibilité de les transformer en deux pads, et sa caméra IR pour reconnaître la forme et la distance d’objets utilisé dans le jeu 1-2-Switch. Il faudra voir combien de titres vont les utiliser ou si ce n’est pas encore juste une série de gimmicks qui finiront par être délaissés par les développeurs comme ce fut le cas pour l’écran tactile basique du GamePad de la Wii U.
Bien des interrogations
A 6 semaines de son lancement, Nintendo a laissé plané bien des inconnus. En premier lieu, rien n’a été montré ou explicité concernant son interface. Tout juste, Nintendo a fièrement montré en vidéo une app mobile qui permet le contrôle parental. J’espère d’ailleurs que l’app ne se résume pas à cela car, de nos jours, on s’attend au minimum à ce que font les apps PlayStation ou Xbox qui permet de gérer bien des aspects de la console, de discuter, etc.
ll en va de même sur le online, le Nintendo eShop. On sait tout juste que jouer en ligne sera gratuit jusqu’à l’automne prochain. Après, Nintendo mettra en place un abonnement comme le PlayStation Plus chez Sony ou le Xbox Live Gold chez Microsoft. Mais aucune information précise n’est donné quand aux fonctions possibles.
La capture d’écran et ultérieurement la capture vidéo sont prévues sur la console. Mais quid du livestreaming sur des plateformes comme Twich ou Youtube fonction devenue de base de nos jours pour tout gamer qui se respecte ? Compte tenu de leur gestion calamiteuse des droits avec une volonté de contrôle absolue, on pourrait ne jamais voir débarquer cette fonction là. Il faudra alors passer par un ordinateur et un système de capture pour livestreamer.
Ensuite, même si le très grand public n’y attache guère d’importance, les geeks et les spécialistes regrettent qu’on n’ait eu aucune information technique précise. On sait d’ores et déjà que la Switch est inférieure aux PS4 et Xbox One en sortant 4 ans après. Hors de question donc de voir débarquer une foultitude de superproductions. Son positionnement technique est donc un sérieux frein pour rassembler nombre de productions de grands éditeurs tiers pour qui adapter sur Switch aura un sérieux coût pas forcément justifiable économiquement parlant.
A l’heure actuelle, on ne sait pas non plus comment va fonctionner la gestion des jeux et des données en général par la console. Ceux-ci sont proposés en cartouche mais certaines données seront sans doute stockés dans les 32Go disponibles. Mais quid des DLC, des mises à jour, etc. On sait que la console sera compatible avec les cartes MicroSDXD jusqu’à 256Go à priori. Pourra-t-on y stocker les jeux téléchargés et autres applications? Copier du stockage interne à la carte, transférer images et vidéos, etc.
Quoi penser de cette console?
Honnêtement étant au courant de la majorité des caractéristiques de cette machine depuis un an, et l’ayant enfin vu tourner, c’est le scepticisme qui prévaut. La Wii U aurait dû être cette Switch il y a 5 ans. Si cela avait été le cas, il aurait connu une autre vie. Malheureusement les choix désastreux en terme de technologie, de marketing, de communication ont conduit la Wii U à une lente agonie commerciale. Quid de la Switch donc? Je vais sans doute passer pour un pessimiste mais la Switch me semble aller dans le même sens. Une fois encore Nintendo nous propose une machine techniquement dépassée dans un monde où des centaines de millions de smartphones et de tablettes ont pris position dans la poche ou les foyers de la majorité de la population. Evidemment, l’expérience serait un peu différente en raison des titres internes à Nintendo mais franchement beaucoup d’autres, comme cités précédemment dans l’article, seront de la resaucée d’anciens titres ou des jeux provenant plus ou moins du monde mobile. Lorsqu’on connait la vitesse de progression technique des smartphones et des tablettes, dès le lancement de la Switch, des constructeurs annonceront des mobiles supérieures techniquement.
Et que dire du prix. Lors de la conférence hier, Nintendo a annoncé le prix japonais et américain mais a laissé les européens dans l’expectative. Drôle de procédé pour communiquer auprès d’une audience web mondiale pour un lancement tout aussi mondial. Il a fallu attendre plusieurs heures pour qu’un prix en euros soit lâché et encore il semblerait qu’il ne soit toujours pas officiel au moment où j’écris ces lignes. A 329€ avec la paire de Joy-Con et sans jeu lorsqu’on trouve des PS4 ou des Xbox One moins chers ou en bundle avec un gros titre, ça va être difficile. Ajoutez à cela un 70€ pour un Zelda et vous vous retrouvez avec une configuration à minima de 400€. Si elle était sortie simultanément à la PS4 et à la Xbox One, cela aurait été acceptable mais 4 ans après le lancement des deux autres machines qui ont vu leur prix baisser grâce aux économies d’échelle, 329€ semble vraiment trop élevé. Et si vous voulez jouer par exemple à Arms qui nécessite 2 paires de Joy-Con, le budget explose puisqu’une seconde paire coûterait la bagatelle de 85€.
Après la conférence et pendant toute ma visite, je n’ai eu cesse de me poser la question suivante. Trop tôt ou trop tard? Trop tôt parce que lancer une console avec uniquement 5 jeux confirmés (même si l’un des deux à savoir Zelda suffira à vendre quelques palettes de consoles), c’est vraiment léger. D’autres titres dont Mario Kart fin avril compléteront mais la majorité des titres dévoilés ne seront disponibles qu’en fin d’année et franchement la liste est très loin d’être sexy. On a droit à énormément d’adaptations ou de remakes. On peut même considérer que Zelda est une adaptation puisque le titre était prévu au départ pour la Wii U uniquement. Lorsqu’on sait que les kits de développement sont arrivés très tardivement chez les développeurs, on ne pouvait décemment pas s’attendre à un miracle. Donc mis à part Nintendo, il n’y aura guère de titre d’envergure avant au moins 2018 et encore faut-il que les éditeurs et développeurs tiers veuillent prendre le risque si le parc installé ne croît pas substantiellement.
Trop tard parce que, la proposition de Nintendo avec cette machine n’est pas vraiment si innovateur que cela avec des aspects déjà existants ailleurs. Evidemment Nintendo y apportera sa patte mais cela suffira-t-il pour aller au delà du public de fans Nintendo? Trop tard parce que les deux concurrents côté jeux vidéo – même si Nintendo voudra encore faire croire qu’ils sont différents – sont sur le marché depuis 4 ans avec un parc installé de plusieurs dizaines de millions de machines, une logithèque déjà bien fournie, des machines plus puissantes (sans parler de la PS4 Pro et la future Xbox Scorpio) et sont devenus des références pour la qualité technique des jeux. Trop tard parce que face à l’impact et à la forte présence des smartphones et des tablettes, la Nintendo Switch aura fort à faire si sa proposition ludique ne suit pas. Enfin, trop tard parce que l’approche de Nintendo me semble vraiment en décalage avec le monde videoludique actuel et à venir.